Economie
Hausse des prix des huiles de table: le Conseil de la concurrence s'explique
29/12/2021 - 17:13
Lina IbrizSuite à une saisine par la Chambre des représentants, le Conseil de la concurrence a émis son avis relatif à l’examen du respect des règles d’une concurrence libre et loyale par les producteurs et importateurs des huiles de table suite aux augmentations des prix de vente constatées sur le marché national de ces produits. L’étude et l’analyse du marché des oléagineux a permis de relever les multiples facteurs qui expliquent la hausse des prix des huiles de cuisson.
Une grande dépendance à l’importation
Le Maroc importe la quasi-totalité des matières premières utilisées pour la fabrication des huiles de table. "Près de 98,7% des besoins domestiques du pays sont importés, essentiellement sous forme d’huiles brutes et seuls 1,3% sont couverts par les graines produites localement", note le Conseil dans son rapport. Et d’ajouter: "cette dépendance a un coût qui pèse sur la balance commerciale du pays avec une facture de près de 4 MMDH par an, rien que pour les importations des huiles brutes. Elle s’élève à 9 MMDH si l’on rajoute les importations des tourteaux".
A ce déficit structurel en termes de matières premières, s’ajoute la quasi-absence des activités de trituration. L’activité de trituration est assurée par deux opérateurs, à savoir Lesieur Cristal qui est l’opérateur historique avec son unité de trituration de Casablanca et le groupe HSB avec son unité de Ain Taoujdate dans la région de Meknès, alors que "seulement 3,5% des huiles raffinées produites sont issues de la trituration locale dont 2,2% à base de graines importées et 1,3% de graine locales", précise la même source.
Un marché "peu attractif" et "hautement oligopolistique"
Le marché de production des huiles de table demeure dominé par un nombre limité d’opérateurs, et plusieurs facteurs empêchent l’émergence de nouveaux producteurs et investisseurs. D’une part, les conditions telles que l’obtention de l’agrément sanitaire auprès de services de l’ONSSA, l’investissement dans l’outil industriel, l’investissement dans un réseau de distribution et la mise en place d’une stratégie marketing pour pouvoir concurrencer les opérateurs déjà existants rendent difficile à de nouveaux investisseur d’accéder à ce marché, alors que les marges dégagées sont faibles.
D’une autre part, le marché reste largement dominé par un seul opérateur, à savoir Lesieur Cristal qui est capable de faire jouer l’effet de gamme, puisqu’il s’agit d’un opérateur dont l’activité est diversifiée et qui détient aussi un portefeuille de marques alimentaire et non alimentaire de grande notoriété avec un fort ancrage historique, explique le même document.
Aujourd’hui, trois sociétés à savoir Lesieur Cristal, HSB et Savola réalisent plus de 95% du chiffre d’affaires du marché. Les deux premières sociétés, Lesieur Cristal et HSB détiennent à elles seules plus de 80% du marché. Au cours des cinq dernières années, la configuration du marché est restée stable et le nombre total des marques inchangé. C’est ce que souligne le Conseil de la concurrence dans son avis. "L’accès au marché des huiles de table par marque durant les cinq dernières années, fait apparaitre l’entrée de quatre marques d’huiles, soit moins d’une marque par an et également le retrait de quatre marques ce qui veut dire que le nombre total des marques proposées sur le marché n’a pas changé. Ceci peut être expliqué par une faible dynamique de concurrence et d’innovation", lit-on dans le même rapport.
Une configuration du marché favorable à "une potentielle coordination des opérateurs"
La configuration actuelle du marché et les barrières empêchant l’entrée de nouveaux acteurs affaiblissent le niveau de concurrence sur le marché des huiles. Par conséquent, la structure actuelle du marché reste inchangée puisqu’il n’existe pas d’autres acteurs qui puissent la contester. "Dans le cas du marché concerné, le risque concurrentiel est amplifié par le niveau élevé de concentration, par la symétrie au niveau de l’évolution des parts de marché des quatre opérateurs sur les cinq dernières années et enfin, par la transparence du marché, c’est-à-dire que les opérateurs pourraient s’informer facilement sur les comportements de leurs concurrents sur le marché, particulièrement en termes de prix de vente appliqués".
A ce risque concurrentiel s’ajoute un mode de fonctionnement du circuit de distribution traditionnel dégageant des marges élevées. Selon le Conseil, "Le mode de fonctionnement actuel du commerce où le circuit traditionnel règne en maître, fait que d’une part, les épiciers appliquent généralement les prix de l’opérateur leader à toutes les marques d’huile de table quels que soient les prix de vente des autres produits des concurrents et, d’autre part, ces mêmes épiciers répercutent automatiquement et immédiatement les hausses mais prennent le temps d’écouler leur stock lorsqu’il s’agit des baisses de prix".
Des facteurs liés au marché extérieur
Les cours des mondiaux des cours mondiaux des matières premières et des huiles brutes a connu depuis le début du 2e semestre de 2020 une forte hausse qui a eu un effet direct sur les prix du marché marocain dépend principalement sur les importations pour la production de l’huile de cuisson. "La chute de l’offre mondiale en huile par rapport à 2018/2019, la reprise simultanée de la demande des pays importateurs depuis le 2ème semestre de 2020, en raison de l’allègement des mesures de confinement couplée à l’effet de reconstitution de stock de sécurité par ces pays afin d’être mieux préparés à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement et la spéculation des investisseurs, a causé une envolée spectaculaire des cours mondiaux des huiles brutes", note le Conseil.
Cette augmentation a été amplifiée par la hausse qu’ont connue les coûts d’énergie et du transport, notamment avec la disruption des chaînes mondiales de distribution. "La tendance haussière des cours mondiaux des huiles brutes est accentuée par la récente forte augmentation des tarifs de l’énergie, du fret maritime et du transport de marchandises au niveau mondial, en raison du redémarrage rapide et simultané de l’économie mondiale, caractérisé par une hausse importante de la demande, une pénurie des conteneurs et une congestion des ports".
Articles en relations
Economie
Economie
Economie
Economie