Société
La cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur la prise en charge des femmes en couches
02/02/2024 - 10:33
Khaoula Benhaddou
Présenté par Zineb El Adaoui, mardi 30 janvier 2024 au parlement, le rapport de la cour des comptes est venu encore une fois rappeler les nombreux problèmes du secteur de la santé dont notamment la prise en charge des femmes en couches et des nouveaux nés. Quelles sont les lacunes enregistrées? Et quelles sont les recommandations de la cour des comptes? Elements de réponse
Si le secteur de la santé a réalisé durant les dernières années une évolution notable sur plusieurs plans, il enregistre toujours certaines lacunes qui entravent son développement.
Ces lacunes ont été soulignées dans le dernier rapport de la cour des comptes, présenté ce mardi au parlement par le Premier Président de la Cour des comptes, Zineb El Adaoui. Cette dernière a précisé que les besoins accrus du système de santé requièrent l'instauration d’une gouvernance assurant la coordination entre l’ensemble des parties prenantes de la formation et d'un système de formation efficace doté de mécanismes d'identification et d’une ingénierie pédagogique à même de le développer.
La prise en charge des femmes en couche: un dossier aux nombreux tiroirs
Si le Royaume a réalisé des avancés tangibles dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant et a réussi à réduire le taux de la mortalité maternelle et néonatale, les résultats restent, selon le rapport de la cour des comptes, "en deçà du niveau envisageable des plans stratégiques du ministère de tutelle".
Un constat confirmé par Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé; "le rapport de la cour des comptes a fait un diagnostic à travers des missions dans différents hôpitaux et CHU pour faire un état des lieux de la prise en charge des femmes en couches et des nouveaux nés au Maroc". Et d’ajouter "il est important de préciser que le Maroc a fait de grands efforts dans ce domaine et on a obtenu des résultats intéressants puisqu’ on a réduit de ¾ la mortalité maternelle et néonatale mais cela dit, il reste toujours plusieurs lacunes et problématiques à résoudre".
Manque de données!
Certes, le chantier de digitalisation avance au Maroc, mais certains secteurs ne suivent pas complètement. C’est ce qu’a précisé le rapport de la cour des comptes qui souligne un manque des données concernant les femmes en couches et les nouveaux nés; "En l’absence d’un système d’information complet et précis sur l’état civil, on s’appuie généralement sur les indicateurs de la santé maternelle et infantile notamment celles liées à la mortalité maternelle, sur des enquêtes périodiques réalisées par le Ministère de la Santé". Et d’ajouter "malgré l’importance de ces enquêtes, elles ne constituent pas le moyen le plus approprié pour suivre les indicateurs de santé maternelle et ceux des nouveaux nés, notamment en ce qui concerne les décès maternels et néonatals. Il s'agit souvent d'enquêtes périodiques obsolètes et non mises à jour".
Le rapport de la cour des comptes précise à titre d’exemple que "l'enquête de 2018 réalisée sur la prise en charge de la femme enceinte et les nouveaux nés était basée sur les données de 2016. Ce n’est pas tout, le système d'information de suivi de la mortalité maternelle mis en place par le ministère en charge de la Santé en 2009, ne permet qu'une détermination partielle de la mortalité, à un taux de seulement 45% de l’année 2015".
Pour Tayeb Hamdi, l’absence de data ne permet pas de réaliser concrètement les objectifs fixés par le ministère; "le ministère dispose de moyens qui sont jugés dépassés par la cour des comptes. Au lieu d’avoir des indicateurs qu’on peut interpréter en temps réel, le recours se fait toujours à des enquêtes qui prennent des années pour être réalisées et dont les résultats sont souvent dépassés. Ainsi, l’absence d’indicateurs de data ne permet pas le suivi de l’exécution des politiques et des engagements et des stratégies mis en place par le ministère de la santé à l’échelle régionale et nationale".
Infrastructures, ressources humaines… un manque qui met en danger la santé des femmes en couches!
On ne le dira jamais assez, le Maroc souffre d’un manque flagrant de médecins et d’infrastructures. Et c’est ce qui a encore une fois été souligné dans le rapport de la cour des comptes qui précise que "de nombreuses maternités ne disposent pas d’installations et d’unités nécessaires pour prendre en charge de manière adéquate les femmes en couches et les nouveaux nés".
Un constat appuyé par le chercheur en systèmes de santé; "Les ressources humaines sont insuffisantes dans le secteur de la santé et ce n’est pas tout. Les médicaments ne sont alloués pas en quantités suffisantes pour subvenir aux besoins des femmes enceintes ou en couches et leurs nouveaux nés. Les infrastructures ne sont pas non plus suffisantes". Et de poursuivre "un simple exemple qui a été signalé également dans le rapport de la cour des comptes: les couveuses pour les bébés prématurés sont insuffisantes, voire inexistantes dans plusieurs régions du Royaume".
Pire encore, en absence des médecins et des centres de santé dans certaines régions, les femmes enceintes sur le point d’accoucher se trouvent obligées de se déplacer dans d’autres villes, ce qui risque de représenter un danger sur leur vie et celle de leur bébé.
Ce n’est pas tout, ces mêmes femmes se trouvent obligées de quitter l’hôpital quelques heures seulement après l’accouchement faute de lit et de suivi médical comme le précise Dr Hamdi; "si le Maroc a réalisé un progrès pour le suivi de la femme enceinte, le post accouchement ne suit pas. En principe, après l’accouchement, la femme doit rester sous surveillance au moins durant 48h, selon les recommandations du ministère de la santé, mais ce n’est pas souvent le cas dans certaines régions par manque de capacité litière. Je précise que certains services sont surpeuplés et les femmes se trouvent obligées de quitter l’hôpital sans bénéficier des soins nécessaires après l’accouchement", conclut le spécialiste qui appelle à l’humanisation de la prise en charge de la femme enceinte. "Il faut absolument humaniser la prise en charge des femmes enceintes et des nouveaux nés. Si on veut qu’elles viennent chercher un service de santé, il faut qu’il soit attractif, sinon elles vont rester en dehors du circuit et ne viendront qu’en cas de complications ce qui est problématique".
Les recommandations de la cour des comptes
Pour faire face à ces nombreuses problématiques, la cour des comptes recommande de réhabiliter les établissements de santé chargés des femmes enceintes et des nouveau-nés en leur fournissant les équipements, les ressources humaines et les médicaments nécessaires.
La cour des comptes a également recommandé de veiller au respect des étapes de la prise en charge médicale des femmes enceintes notamment en ce qui concerne les examens pré- et postnatals, les analyses biologiques, des échographies…
Lors de l’accouchement, la cour des comptes recommande la surveillance et le suivi du processus de travail et d’offrir les soins appropriés pour les cas souffrant de difficultés sanitaires et de respecter la durée de séjour précisé pour les femmes ayant accouché.
Pour terminer, la cour des comptes a appelé à développer un cadre de gestion pouvant assurer l'humanisation des conditions de soins médicaux et des services de santé fournis aux femmes enceintes et aux nouveau-nés, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée des femmes pendant la grossesse et le travail.

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