Société
Le CESE alerte sur l'insécurité au travail
09/02/2021 - 10:27
Meryem Ait OuaannaCe matin du 8 février, les habitants de la ville de Tanger se sont réveillés sur un terrible drame. 28 ouvriers ont péri dans l’inondation d’une usine clandestine de textile, sise dans la cave d’une villa à Hay Alinas dans la zone d’El Mers. Ce nouveau drame a provoqué un tollé et a suscité un flot d’interrogations quant à la question de la santé et de la sécurité au travail.
D’après le Bureau international du Travail (BIT), au Maroc, près de 2000 décès par an sont liés à des accidents de travail. « Un chiffre des plus élevés dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) » a commenté le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, ce jeudi 04 février 2021 à Rabat, lors de la présentation de l’avis du Conseil intitulé "Santé et sécurité au travail : un appui essentiel au développement économique et social".
Une réalité « alarmante »
Avant de se tourner vers les grands constats de son étude réalisée dans le cadre d’une autosaisine, le CESE a d’abord mis en lumière les statistiques publiées en 2018 par le ministère de l'Emploi et de l'Insertion professionnelle, selon lesquelles, le nombre d'accidents de travail au Maroc a dépassé 50.000 cas, causant 756 décès, 13.208 cas d’incapacité temporaire et 36.561 cas d’incapacité permanente. Des chiffres alarmants qui selon le rapport du CESE « ne rendent pas compte du bilan réel des accidents du travail au Maroc ».
Concernant à la fois le secteur public et le secteur privé, avec leurs différentes composantes, notamment les TPE, le secteur agricole et le secteur informel, l’étude menée par le CESE lève le voile sur les défaillances du système marocain de santé et de sécurité au travail. Les constats sont alarmants. Une intervention immédiate est nécessaire pour faire progresser les normes de santé et de sécurité dans le pays. Le rapport du CESE fait savoir que le nombre d’entreprises respectueuses des dispositions du Code de travail relatives à la mise en place de la commission de sécurité et de l’hygiène ne dépasse pas 17%. Ce n’est pas tout, le CESE dévoile également que les services de médecine du travail sont presque inexistants dans les grandes entreprises formelles. «Le Maroc ne compte que très peu de médecins de travail. En tout, ils sont au nombre de 1.400 praticiens, jusqu'à présent», déclare le président du CESE. D’autres lacunes sont également soulevées par le travail de diagnostic mené par le CESE à savoir « une mise en œuvre limitée des règles de santé et de sécurité au travail dans le secteur privé » ainsi qu’ « une non-inclusion du système dans le secteur public ».
Un autre constat qui vient confirmer la gravité de la situation : la faiblesse de la protection sociale contre les accidents de travail. Comme l’a souligné Ahmed Reda Chami : « seuls 25% des salariés du secteur privé bénéficient de ce mécanisme ».
Par ailleurs, l’étude réalisée par le CESE a également fait état du problème de la gouvernance du système de santé et de sécurité au travail ainsi que la dispersion de la responsabilité de gestion de la santé et de la sécurité entre plusieurs acteurs.
Les recommandations de la CESE
Pour faire face aux défaillances du système de santé et de sécurité au travail, le CESE a dressé une liste d’une trentaine de recommandations. Au niveau institutionnel, le Conseil recommande la mise en place, auprès du Chef de gouvernement, d’une Agence nationale pour la santé et la sécurité au travail, dont la mission principale est l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de santé et de sécurité au travail.
Le CESE suggère également le rattachement de l’Institut national des conditions de vie au travail à l’Agence nationale pour la santé et la sécurité au travail, en plus de la création d’un Observatoire national des risques professionnels spécialisé et la création des centres dédiés à la médecine du travail en vue d’assurer une couverture exhaustive et efficace de tous les travailleurs du tissu économique national.
S’agissant du côté législatif, le Conseil propose la révision du projet de loi-cadre relatif à la sécurité et la santé au travail, et d’apporter les modifications nécessaires au Code du travail, au Statut général de la fonction publique et aux autres textes législatifs relatifs à la santé et sécurité au travail et à la protection sociale.
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