Monde
Les Géants du net menacent-ils la liberté d’expression ?
14/01/2021 - 16:01
Meryem Ait Ouaanna
Souvent pointés du doigt pour leur lenteur à réagir face à la propagation des contenus violents ou haineux, les GAFA - acronyme désignant les entreprises les plus puissantes du monde de l'internet : Google, Apple, Facebook et Amazon - , suscitent aujourd'hui une vague de critiques suite à leur décision de suspendre les comptes de Donald Trump. Leur rapport à la liberté d'expression fait débat.
Ils ont profondément métamorphosé notre quotidien. Eux, ce sont les géants américains du Net - Google, Apple, Facebook et Amazon- désormais connu son l'acronyme Gafa, ne cessent d’étonner et de faire parler. Leur rapport à la démocratie et la liberté d’expression a fait couler beaucoup d’encre, notamment suite à la décision de Twitter de suspendre de manière définitive le compte du président américain sortant Donald Trump. Comment ont-ils pu faire taire le chef de la première puissance économique mondiale ? Cette question a suscité un vif débat.
Tout a commencé le 8 janvier 2021, lorsque le site de microblogging Twitter a bloqué de «façon permanente» le compte personnel de Donald Trump (@realdonaldtrump) ; son moyen de communication de prédilection. Véritable coup de tonnerre : cette décision survient suite à l’invasion du Capitole pendant plusieurs heures par les militants pro-Trump, deux jours auparavant, lors de la certification de la victoire de Joe Biden par le Congrès. Dans un communiqué, le réseau à l’oiseau bleu a justifié sa décision en arguant que les futures publications de Donald Trump risquaient « d’inciter à la violence », notamment à l’approche de la cérémonie d’investiture de Joe Biden.
En effet, Twitter n’est pas la seule plateforme à avoir pris des mesures contre le président américain sortant. Accusé d’avoir encouragé ses partisans à perturber la certification des résultats de l’élection présidentielle par le Congrès, Donald Trump s’est vu bannir de plusieurs plateformes sociales, à quelques jours seulement de son départ de la Maison Blanche. Le 7 janvier 2021, Facebook, Instagram, Snapchat et Twitch ont suspendu pour une durée indéterminée le compte de Donald Trump.
Twitter ne s’est pas uniquement contenté de supprimer une fois pour toute le compte de Donald Trump, il a également annoncé le lundi 11 janvier 2021 la « suspension de façon permanente » de 70.000 comptes principalement consacrés à la diffusion des contenus de la mouvance pro-Trump QAnon. « Ces comptes partageaient des contenus dangereux, associés à QAnon, à grande échelle. Ils étaient essentiellement consacrés à la propagation de ces théories du complot sur tout le service », s’est expliqué Twitter dans un communiqué.
Une décision vivement critiquée ...
Bien que les GAFA soient tout le temps critiqués pour leur lenteur à réagir face à la propagation des contenus violents ou haineux, cette décision de priver Donald Trump de son principal outil de communication a déclenché une vague de critiques venant de personnalités politiques. Cette intervention n'a laissé personne indiffèrent. Les dirigeants européens n'ont pas tardé à réagir. « Ce qui me choque c'est que ce soit Twitter qui ferme parce que la régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l'oligarchie numérique elle-même. La régulation est nécessaire, mais doit se faire par le peuple souverain, par les États et par la justice », a déclaré le ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, lors de son intervention lundi 11 janvier 2021 sur France Inter.
Pour la chancelière allemande Angela Merkel, « il est possible d’interférer dans la liberté d’expression, mais selon les limites définies par le législateur, et non par la décision d’une direction d’entreprise », a expliqué son porte-parole, Steffen Seibert, lors d'une conférence de presse tenue ce lundi 11 janvier 2021. « C’est pourquoi la chancelière voit comme problématique que les comptes du président américain sur les réseaux sociaux soient fermés définitivement », ajoute-t-il.
Jean-Luc Mélenchon, chef de fil de la « France insoumise » estime que « le comportement de Trump ne peut servir de prétexte pour que les GAFA s’arrogent le pouvoir de contrôler le débat public ».
« Ces événements démontrent que nous ne pouvons plus rester les bras croisés et nous fier à la seule bonne volonté des plateformes. Nous devons fixer les règles du jeu et organiser l'espace informationnel avec des droits, obligations et garanties clairement définis », a commenté Thierry Breton, le commissaire européen du numérique.

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