Politique
Pourquoi le projet de loi remplaçant la CNOPS par la CNSS inquiète-t-il les syndicats et les affiliés?
19/09/2024 - 11:11
Youness Oubaali | Aya LankaouiLe gouvernement s’apprête à examiner un projet de loi visant à unifier la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), ce qui suscite des interrogations et une opposition de la part des syndicats.
L’une des principales préoccupations est que ce projet entraînerait la suppression de la CNOPS, dans laquelle plus de 3 millions de personnes sont affiliées, alors que ses cotisations et ses prestations diffèrent largement de celles de la CNSS.
Le Conseil du gouvernement discutera, ce jeudi 19 septembre 2024, du projet de loi n°54.23 modifiant et complétant la loi n°65.00 relative à l’assurance maladie obligatoire de base, ainsi que d'autres dispositions spécifiques.
Ce projet suscite des remarques et des questionnements de la part des syndicats des mutuelles concernées, qui accusent le gouvernement de ne pas les avoir consultés avant de proposer le texte.
Que contient ce projet de loi?
Selon son exposé des motifs, l’objectif est de confier à une seule entité la gestion des régimes d’assurance maladie obligatoire, en transférant cette responsabilité à la CNSS au lieu de la CNOPS.
La CNSS serait ainsi chargée de gérer l’ensemble des questions liées à l’assurance maladie obligatoire pour les secteurs public et privé, y compris le régime des personnes incapables de payer leurs cotisations. Elle s’occuperait également des autres régimes de couverture santé gérés auparavant par la CNOPS.
Le projet de loi, une fois adopté, mettrait fin à l'obligation de coordination avec les mutuelles concernant les demandes d'adhésion des employeurs, l'inscription des affiliés, ainsi que le contrôle médical.
La CNSS remplacerait également la CNOPS dans la gestion des conventions concernant le secteur public, conclues entre la CNOPS et les mutuelles.
En outre, les employés permanents et stagiaires de la CNOPS seraient intégrés au personnel de la CNSS, tout en conservant leur affiliation à l’assurance maladie obligatoire et aux régimes de retraite complémentaires.
Le projet prévoit également le transfert des biens mobiliers et immobiliers de la CNOPS à la CNSS, ainsi que des archives et des documents administratifs et financiers.
De plus, la CNSS reprendrait à son compte les marchés, études, travaux, fournitures, et services liés à la CNOPS. Tous les actifs et passifs, y compris les soldes bancaires et les remboursements liés aux dossiers médicaux, seraient également transférés.
Par ailleurs, les pénalités de retard sur le paiement des cotisations de l’assurance maladie obligatoire seraient alignées sur celles du régime de la CNSS.
Le projet de loi vise également les étudiants
Le projet de loi prévoit la suppression du régime d’assurance maladie obligatoire pour les étudiants, au motif qu’ils peuvent bénéficier de la couverture santé en tant qu’ayants droit.
Il propose aussi d’étendre la couverture des enfants célibataires, ayants droit poursuivant leurs études dans une institution d’enseignement supérieur ou de formation professionnelle, jusqu’à l’âge de 30 ans au lieu de 26 ans, à l’exception des étudiants de l’enseignement traditionnel.
En conséquence, les actifs et réserves du régime d’assurance maladie obligatoire des étudiants seraient transférés de la CNOPS au budget de l’État.
Le texte précise que l’État remplacera l’organisme gestionnaire du régime d’assurance maladie obligatoire des étudiants pour tous les marchés, études, travaux, fournitures, services, et contrats.
Pourquoi ce projet suscite-t-il l’inquiétude des syndicats des mutuelles?
Miloud Maassid, président du conseil d'administration de la CNOPS, explique que la CNSS, qui gère la couverture santé obligatoire pour 7 millions d’affiliés dans le secteur privé, ne gère pas celle des fonctionnaires, qui est sous la responsabilité de la CNOPS. Cette dernière est une fédération de huit mutuelles dédiées au secteur public (mutuelle des dentistes, mutuelle de l’éducation, mutuelle générale, etc.).
M. Maassid souligne avoir alerté le gouvernement, le ministère de l’Economie et des Finances et celui de la Santé et de la Protection Sociale sur la situation difficile de la CNOPS, notamment à cause du coût des médicaments et des pratiques de certaines cliniques en matière de facturation, ainsi que l’augmentation des maladies chroniques.
Il précise que ces huit mutuelles fonctionnent avec des conventions conclues avec la CNOPS. Chaque mutuelle traite les dossiers de ses affiliés, les transmet à la CNOPS pour règlement, qui à son tour rembourse les affiliés via leurs comptes bancaires. La CNOPS agissait donc comme un guichet unique pour ses membres.
Le projet de loi prévoit la suppression de ces mutuelles après une période de transition. Le conseil d'administration qui supervisait la CNOPS disparaîtrait également, alors qu’il jouait un rôle important dans le suivi de l’utilisation des cotisations des affiliés.
M. Maassid souligne que les remboursements de la CNOPS sont nettement supérieurs à ceux de la CNSS, pouvant atteindre plus de 30.000 dirhams par an, alors que le plafond annuel de la CNSS est de seulement 3000 dirhams.
Concernant les cotisations, celles de la CNOPS s’élèvent à 2,5% du salaire brut, avec une contribution équivalente de l’État, tandis que les affiliés de la CNSS voient 6,7% de leur salaire prélevé. Cette différence est jugée considérable.
Le projet de loi prévoit d’unifier ces taux de cotisation après la publication d’un texte réglementaire, une mesure qualifiée d’ambiguë et peu claire par M. Maassid.
Le projet stipule également que les employés et cadres de la CNOPS seront transférés à la CNSS sur demande, dans un délai d’un mois après l’adoption de la loi, avec une décision ultérieure d’acceptation ou de refus. Cela a créé des inquiétudes parmi les 880 employés concernés.
Enfin, M. Maassid explique que l'une des questions centrales est la contractualisation avec des compagnies d’assurances pour la gestion des régimes complémentaires, ce qui signifierait que les huit mutuelles travailleraient avec la CNSS pour une courte période avant de passer sous la responsabilité de ces compagnies.
Le projet concerne plus de 3,1 millions d’affiliés, y compris les actifs, les ayants droit et les retraités. Alors que les mutuelles fonctionnent sur un principe non lucratif, avec une approche solidaire, M. Maassid estime que le gouvernement aurait dû consulter les syndicats et les mutuelles avant de prendre une décision sur un tel projet.
Il a également souligné que les biens de la CNOPS, financés par les cotisations des affiliés depuis 2005, devraient rester leur propriété. Il fait référence aux cliniques dentaires de la CNOPS, qui offraient des soins gratuits et qui, selon lui, disparaîtraient avec l’adoption du projet de loi.
M. Maassid a enfin révélé que l'Union marocaine du travail (UMT) avait adressé une lettre au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, le 14 mai 2024, pour alerter sur les conséquences du projet de loi. Bien que le gouvernement ait répondu en formant un comité spécial, le texte a finalement été proposé sans véritable consultation, selon M. Maassid.
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