Société
Procédure civile: le ministre de la Justice défend le projet de loi, des députés mettent en garde contre une violation de la constitution
23/07/2024 - 13:53
Ouiam Faraj | Mohammed FizaziLe ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a défendu, ce mardi 23 juillet 2024, devant le Parlement, le contenu du projet de loi sur le code de procédure civile qui a suscité la colère des avocats et les a incités à appeler à un arrêt de travail de 3 jours.
Le ministre Abdellatif Ouahbi, lors de la séance de discussion et de vote sur le projet de loi n° 02.23 relatif au code de procédure civile, a affirmé qu'il s'agit de l'une des garanties judiciaires les plus importantes pour protéger les droits et les libertés, et pour améliorer le fonctionnement des tribunaux afin de les rendre plus proches des besoins et attentes des citoyens.
Combler les lacunes
Ouahbi a souligné, dans son discours, que le nouveau projet comprend un ensemble de nouveautés législatives dans le cadre d'une loi nouvelle et intégrée qui comble les lacunes révélées par la réalité et s'harmonise avec les principes des droits de l'homme.
Il a abordé les principales modifications incluses dans le projet de loi, qui visent, selon lui, à établir des règles de compétence matérielle basées sur les principes d'unité et de spécialisation de la justice en harmonisant les règles de compétence matérielle avec la loi n° 15.38 relative à l'organisation judiciaire et en intégrant toutes les dispositions.
Il a mentionné le renforcement du rôle de la justice dans l'assurance du bon fonctionnement de la justice et l'amélioration de son efficacité en simplifiant les procédures judiciaires, en facilitant l'accès à la justice, en assurant le recours à la justice conformément aux dispositions de la constitution de manière efficace, en luttant contre les litiges malveillants, en réduisant les délais, en rationalisant et en organisant les recours pour des raisons de justice, et en élargissant le champ des exemptions de frais judiciaires.
Le ministre a également souligné que le projet de loi vise à supprimer la procédure de représentation, à utiliser la base de données relative à la résidence des justiciables figurant sur la carte nationale en cas d'impossibilité de communication à l'adresse fournie, et à organiser les mécanismes d'intervention devant la Cour de cassation après avoir renoncé à cela dans la loi en vigueur.
Procédure de litige électronique
Il a également évoqué l'intégration de la procédure de litige électronique et la numérisation des procédures judiciaires civiles en utilisant les moyens de communication électronique dans les procédures judiciaires civiles et en créant un ensemble de plateformes électroniques pour les avocats, les huissiers de justice, les experts judiciaires, les notaires, et les traducteurs assermentés devant les tribunaux, avec l'adoption de la signature électronique.
Le contenu du projet de loi prévoit également, selon le ministre de la Justice, de garantir une protection juridique complète des droits des justiciables et d'améliorer la qualité des services judiciaires en donnant au juge un rôle positif dans la gestion de l'affaire et en prenant toutes les mesures légales pour réduire les délais judiciaires.
Par ailleurs, Ouahbi a évoqué le renforcement du droit de la défense, affirmant que le projet met en avant le rôle de l'avocat dans la représentation des parties devant la justice, même dans les affaires où s'applique la procédure orale, "renforçant ainsi les garanties de défense et le statut de l'avocat dans le procès civil, devenant ainsi le lien entre la justice et le justiciable, et stipulant que les procédures d'enquête, telles que les expertises, les inspections et les serments, ne sont légales qu'en présence de l'avocat".
Le ministre a également souligné la révision de la procédure de décision sur l'incompétence matérielle et la détermination de ses délais, en stipulant la possibilité de soulever cette exception à toutes les étapes du procès devant les tribunaux de première instance, avec l'obligation pour le tribunal de statuer sur l'exception soulevée dans un délai de 8 jours.
Procédure de conciliation
Le projet de loi organise, selon Ouahbi, la compétence internationale en tenant compte des lacunes législatives du code de procédure civile dans ce domaine, sur la base des règles de droit international.
Il organise également la procédure de conciliation devant le tribunal de première instance, en plus de ce qui est organisé dans les procédures spécifiques aux affaires de proximité, aux affaires familiales et sociales, afin de régler définitivement le litige devant le tribunal de première instance, donnant au tribunal la possibilité de proposer la conciliation aux parties.
Le projet de loi organise aussi la procédure de médiation, donnant au tribunal la possibilité d'inviter les parties à mettre fin au litige et leur accordant un délai raisonnable pour fournir le résultat, ainsi que la réorganisation du champ d'intervention du ministère public dans l'affaire civile en tant que représentant de la société.
La loi permet, seon le ministre, au ministère public, qu'il soit partie au procès ou non, de faire appel pour déclarer la nullité d'un jugement contraire à l'ordre public sans être limité par les délais de recours.
Droit de recours
Malgré l'appréciation de la plupart des groupes de la majorité pour le contenu du projet de loi sur la procédure civile, il n'a pas échappé aux critiques des groupes de l'opposition au Parlement, demandant la révision d'un ensemble de modifications qui affectent le droit de recours et empêchent la réalisation du principe d'égalité entre les citoyens.
Les différents groupes de l'opposition ont souligné que "le droit de recours, en tant que droit garanti par la constitution dans son article 118, à toute personne pour défendre ses droits et intérêts protégés par la loi, ne peut être compromis par la menace de sanctions ou en limitant son accès".
Ils ont souligné que les droits de la défense sont garantis devant tous les tribunaux du Royaume et que tout déséquilibre dans les rôles de la défense pourrait éloigner le projet de loi de son objectif initial.
Ils ont également dénoncé le fait que le projet a établi un nouveau concept de "présomption de mauvaise foi", rendant le justiciable de mauvaise foi jusqu'à preuve du contraire, ce qui constitue une violation de l'esprit de la présomption d'innocence consacrée par la constitution en faveur de l'accusé, et a fortiori du justiciable.
Ils ont affirmé que l'égalité devant la loi est l'un des principaux piliers de la confiance en la justice et qu'il n'est pas acceptable de discriminer entre les justiciables, soulignant que le projet contient une discrimination explicite et implicite entre les justiciables, ce qui remet en question sa dimension des droits.
Les groupes ont affirmé que le projet de loi "a compromis le droit de recours équitable des citoyens, ainsi que la position des avocats dans le domaine de la justice, affectant leur rôle de défense et, par conséquent, les conditions d'un procès équitable".
Critiques sur le droit de recours
Parmi les critiques adressées au projet de loi lors de la séance de discussion publique, il a été mentionné que les voies de recours sont dispersées, le projet de loi contenant également, selon les groupes de l'opposition, des dispositions qui entravent les voies de recours et les lient à la valeur du litige, en indiquant que "les jugements seront rendus en première instance et définitivement dans les affaires dont la valeur ne dépasse pas 30.000 dirhams, tandis qu'il ne sera plus possible de faire appel en cassation dans les affaires dont la valeur dépasse 80.000 dirhams".
De plus, le rôle de surveillance de la Cour de cassation sur certains jugements qui pourraient être entachés d'irrégularités a été réduit.
Les interventions de l'opposition ont conclu que ce projet n'a pas respecté certains droits constitutionnels comme le droit à l'appel et à la cassation, "bafouant le principe d'égalité devant la loi et la possibilité d'un procès équitable, en plus de compromettre le droit de défense et d'entraver l'accès à la justice en augmentant les amendes et les frais, et en sapant le principe de la gratuité du recours, ce qui mènera à la peur de recourir aux tribunaux et à la perte des droits des personnes".
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