Economie
Mélanger les huiles d’olive aux huiles de graines: est-ce une bonne idée pour contrer la hausse des prix?
10/01/2022 - 12:09
Aïcha DebouzaDepuis une décennie, la consommation d’huile végétale va crescendo au Maroc. Les prix ont également évolué vers la hausse, notamment après la libéralisation du marché en 2000. Et dans un pays qui consomme quelque 600.000 tonnes d’huile végétale par an, et qui n’en produit que 1,3%, la situation inquiète de plus en plus les professionnels du secteur ainsi que les consommateurs. Force est de noter à ce titre, comme l'a d'ailleurs indiqué le Conseil de la concurrence dans son dernier rapport, que 98% des huiles raffinées commercialisées sur le marché national sont produites à partir d’une matière première importée dont plus de 95% sous forme d’huiles brutes et moins de 3% sous forme de graines, principalement le tournesol. En outre, en 2020/2021, le Royaume a acheté 450.000 tonnes d’huile de soja sur le marché international, ce qui en fait le 7e importateur mondial d’après le Département américain de l’agriculture (USDA). Pour dire que le secteur dépend principalement des importations actuellement perturbées par la pandémie.
Reconversion progressive
Dernièrement, les cours mondiaux des matières agricoles se sont inscrits dans une tendance haussière. D’après la dernière note de la Direction des études et de la prévision financière (DEPF), "les prix du soja ont augmenté de 13% sur un mois et de 49% depuis un an pour se hisser à 576 dollars la tonne en janvier, leur plus haut niveau depuis 2013." De son côté, l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avait pareillement souligné, dans son rapport publié le 7 octobre, que l’indice FAO était le plus haut depuis 2012 avec des prix en hausse 5,8% en janvier, comparé au mois de décembre.
Une hausse due à de mauvaises récoltes conjuguées à la demande chinoise, très excessives en ces derniers temps, expliquant ainsi la nette augmentation des prix des produits agricoles de base. Le manque de main-d’œuvre en Malaise a lui aussi entraîné une moindre production d’huiles végétales, de colza ou de palme.
Afin de remédier à cela, le Conseil de la concurrence, a énuméré quelques recommandations qui pourraient, selon lui, sortir le secteur de cette situation. Parmi lesquelles figure la proposition de la reconversion progressive vers les huiles d’olive mélangées aux huiles de graines, notamment le tournesol et le colza. Il a aussi, dans ce sens, recommandé d’allier les bienfaits nutritionnels à l’adaptation aux usages culinaires.
"Il convient d’indiquer que le décret n°2-14-268 du 8 rabii II 1436 (29 janvier 2015) prévoit dans son article 11 qu’il est possible de mélanger les différents types d’huiles d’olive avec toutes autres huiles à condition qu’elles doivent être commercialisées sous une dénomination qui ne contient pas le terme olive et que leur étiquetage ne doit pas compter de mentions ou de représentations graphiques évoquant l’olive ou l’olivier", propose le Conseil de la concurrence dans son rapport.
"Pas de retour en arrière"
Une recommandation qui n'est pas du goût de Noureddine Ouazzani, responsable de l’agropole Olivier ENA Meknès. "L’huile d’olive est un jus qu’on obtient du fruit qu’est l’olive. Nous ne pouvons pas mélanger deux choses complètement différentes. Les Etats-Unis nous ont précédé à cette expérience il y a une trentaine d’années et ça n’avait pas fonctionné. L’huile d’olive reste l’huile d’olive, la mélanger serait malheureux". Selon lui, le Maroc devrait plutôt investir dans son olivier pour essayer de limiter les importations des huiles végétales que d’essayer de les mélanger.
"Nous devons continuer sur la lancée qui a été initiée il y a une dizaine d’année par le Plan Maroc vert et pas faire des pas en arrière. Il faut planter plus d’arbres pour les générations futures. Surtout que l’olivier n’a pas besoin d’être irrigué continuellement, ce qui fait de lui un arbre parfait pour faire face aux changements climatiques etc.", a insisté Noureddine Ouazzani. Ce dernier estime que vouloir la mélanger pour la vendre sur le marché international n’est pas une bonne idée car "si des marchés comme les Etats-Unis nous choisissent c’est pour la qualité de notre huile d’olive. Je ne pense pas qu’elle aura la même valeur une fois mélangée", fait-il savoir.
Dans cette même lignée, il est à signaler que l’industrie des oléagineux a de grandes ambitions. Dans le cadre de la nouvelle stratégie agricole dénommée "Al Jayl Al Akhdar" ou "Generation Green", la filière envisage de doubler les superficies emblavées à 80.000 hectares à l’horizon 2030 dont 30.000 en colza et 50.000 pour le tournesol. Cette ambition a été annoncée en marge de la conférence dédiée au programme "Maghreb oléagineux" cofinancé par l’Union européenne et initié par l’interprofession française Terres Univia au profit du développement du secteur. Objectif ? Atteindre la couverture de 15% des besoins du marché local, contre 1,7% en 2019 et créer 170.000 emplois.
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