Economie
Produits trop sucrés: une TIC pour préserver la santé publique?
09/03/2022 - 11:36
Lina IbrizLa consommation excessive de sucres ajoutés constitue un risque accru de diverses maladies chroniques, notamment l'obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD), ainsi que le déclin cognitif et même certains cancers.
Pourtant, au Maroc, le sucre, on en raffole à tel point que la consommation des Marocains dépasse de loin les normes recommandées. "L’OMS préconise un maximum entre 65 et 70 grammes par personne par jour de sucre, le marocain en consomme 98 grammes par jour", affirme Jaâfar Heikel, épidémiologiste et professeur de médecine préventive.
Cette consommation excessive du sucre donne lieu à de nombreux problèmes de santé de plus en plus généralisés et prévalents. "Au Maroc, 21% de la population est obèse et 53% de la population adulte est en surpoids. Cela est alarmant pour un pays où la croissance sociale et économique et le développement humain sont au cœur des préoccupations", affirme Heikel.
Et d’ajouter : "L’obésité, à son tour, est très liée à des maladies chroniques, particulièrement le diabète qui touche 10% des Marocains, l’hypertension qui touche 30% de la population, et le cancer dont le Maroc enregistre plus de 50.000 cas chaque année".
Pourquoi une TIC sur certains aliments contenant du sucre?
La prévalence des problèmes de santé tels que l’obésité ou le diabète sont généralement liés aux comportements alimentaires des individus qui choisissent eux-mêmes les aliments qu’ils consomment. Pourquoi donc l’État devrait-il se préoccuper des choix alimentaires des citoyens ?
Bien que ce raisonnement assez simpliste semble tenir la route, les problèmes liés à la consommation excessive du sucre sont aujourd’hui devenus des problèmes de "santé publique" affirme le professeur.
"La modification du comportement alimentaire est un déterminant majeur. Mais un autre facteur déterminant est la disponibilité et l’accessibilité des produits transformés et qui sont trop sucrés, trop gras ou trop salés. Il y a une démocratisation de l’accès à ce genre de produits. Et cela affecte directement la santé de la population et par conséquent le système de santé", soutient notre interlocuteur.
Au-delà de l’aspect médical, la consommation excessive du sucre revêt un aspect économique qui coûte très cher à l’État. En effet, la subvention moyenne du sucre à la consommation s'est établie à 3,4 milliards de dirhams (MMDH) durant les cinq dernières années pour une consommation moyenne annuelle de 1,2 million de tonnes, dont 25% est destinée aux industries agroalimentaires, selon les données communiquées par le ministre délégué après de la ministre de l'Économie et des finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaa.
Par ailleurs, "la prise en charge de ces maladies coûte à peu près 24MMDH au contribuable chaque année. Ce montant représente en effet l’intégralité du budget du ministère de la Santé", alerte Heikel.
Ainsi, le raisonnement derrière l’imposition d’une TIC sur les aliments dépassant un certain niveau de sucre devient plus clair. L’introduction d’une telle taxe devrait permettre d’atteindre deux objectifs principaux : restituer à l’État les subventions dont les industriels agroalimentaires bénéficient et dissuader les citoyens à consommer des produits contenant une grande quantité de sucre. Un troisième objectif serait également de réduire le coût de la prise en charge des maladies liées à la consommation du sucre et alléger ainsi la pression sur le système de santé.
"Une action intégrée et intersectorielle est nécessaire pour faire face à ce fléau. Il est aussi essentiel d’augmenter les taxes. Tout comme pour la TIC sur le soda, une taxe devrait être imposée sur les produits alimentaires qui contiennent un certain niveau de sucre. Nous ne disons pas que le sucre est mauvais, mais que l’excès de sa consommation est nuisible, et donc il faut commencer à taxer ces produits au-delà d’un certain niveau", conclut Pr Jaâfar Heikel.
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