Politique
Projet de loi sur la grève: le CESE appelle à des consensus constructifs
14/09/2024 - 09:32
Mohammed Fizazi | Youness OubaaliLe Conseil économique, social et environnemental (CESE) a émis des remarques concernant le projet de loi organique n° 97.15, encadrant les conditions et modalités d'exercice du droit de grève, qui attend la poursuite des discussions détaillées du gouvernement avec les syndicats centraux et les associations patronales après sa présentation à la Chambre des représentants le mois dernier
Le CESE a adopté à l'unanimité un avis sur le projet de loi organique n° 97.15 encadrant les conditions et modalités d'exercice du droit de grève, et a relevé de nombreuses observations, dont certaines concernent les points en suspens qui ont émergé lors de la discussion du projet avec les parties concernées ainsi que lors de sa présentation à la Chambre des représentants. Il a estimé qu'il est nécessaire de réviser le projet tant sur le fond que sur la forme.
Le Conseil a insisté sur la nécessité de réviser les dispositions de ce projet de loi organique sur le droit de grève, en soulignant qu'il doit être conforme aux références constitutionnelles et aux engagements internationaux, assurer la sécurité juridique et garantir un équilibre des intérêts.
Il considère que la réglementation de l'exercice du droit de grève doit être avant tout un projet de société, nécessitant une large consultation et l’atteinte de consensus constructifs, en impliquant toutes les parties concernées, afin que la loi reflète les intérêts de toutes les catégories de la société. Le projet de loi doit également équilibrer le droit de grève dans le cadre de la liberté syndicale et la liberté de travail, et répondre aux contraintes des entreprises et au bon fonctionnement des services publics.
Le Conseil a également souligné que le projet de loi doit réglementer le droit à la grève pour toutes les catégories ayant le droit d'adhérer à un syndicat, organiser toutes les formes de grève, donner la priorité au dialogue et à la négociation, renforcer le dialogue social, éviter les sanctions privatives de liberté, et prendre en compte les pratiques positives ancrées et les expériences pratiques du Royaume.
Concept et limites de la grève
La première observation du Conseil concernait la définition de la grève, que le projet de loi organique définit comme "tout arrêt collectif de travail organisé pour une durée déterminée afin de défendre un droit ou un intérêt social ou économique direct des grévistes." Selon le Conseil, cette définition "soulève de nombreuses problématiques."
Le ministre de l'Insertion économique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, avait déjà affirmé la nécessité de passer d’une "liste négative" (ce qui est interdit) à une "liste positive."
Le Conseil estime que l'exercice de ce droit a été limité aux salariés, excluant ainsi d'autres catégories sociales, ce qui va à l'encontre des dispositions constitutionnelles. En outre, il n'a pas précisé ce qu'il entend par "intérêt social et économique direct" ni distingué les objectifs politiques des grèves dirigées contre certaines politiques publiques.
Le Conseil a relevé que le projet de loi organique définit les catégories autorisées à faire grève parmi les salariés des secteurs public et privé, excluant ainsi d'autres catégories, telles que les indépendants et les professionnels.
Le Conseil recommande donc de revoir la définition de la grève, ce qui nécessite une révision complète du projet pour inclure toutes les catégories professionnelles.
L’entité appelant à la grève
La question de "l’entité appelant à la grève" a été soulevée par les syndicats centraux, et le ministre a invité les acteurs politiques à statuer sur cette question dans les discussions à venir.
Le projet de loi limite (article 3) le droit d’appeler à la grève aux syndicats les plus représentatifs au niveau national, tant dans le secteur public que privé, ainsi qu'au syndicat le plus représentatif au niveau de l'entreprise ou de l'établissement public concerné. Le Conseil estime que cette restriction, qui accorde ce droit uniquement aux syndicats, exclut d'autres entités sociales telles que les associations professionnelles.
Le Conseil considère également que la condition de la présence de ¾ des salariés de l'entreprise ou de l'institution et la décision de grève prise par l'assemblée générale à la majorité absolue (article 16) est "un critère irréaliste, difficile à atteindre dans les grandes entreprises ayant plusieurs branches dans différentes villes." L'expérience internationale montre que la participation aux grèves est souvent bien en deçà de l’unanimité des travailleurs.
Le Conseil propose donc de reconnaître le droit de toutes les organisations syndicales légalement constituées et représentatives d’appeler à la grève, tout en révisant les critères de représentativité dans les secteurs public et privé.
Le Conseil a également exprimé d'autres observations concernant l'article 3 sur l’entité appelant à la grève, notamment en ce qui concerne les "services essentiels." Il estime que la définition large de ces services pourrait empêcher certains salariés de faire grève.
Le Conseil recommande aussi de réviser les délais fixés pour organiser une grève, arguant qu'ils sont trop longs, ne prenant pas en compte les situations d'urgence.
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