Société
Projet de loi sur l'organisation et gestion des établissements pénitentiaires : le CNDH émet ses observations
21/09/2023 - 10:21
Mohammed Fizazi
En tant qu'organe chargé de veiller à la protection des droits de l'homme et à la préservation de la dignité, des droits et des libertés des citoyennes et citoyens, individuellement et collectivement,comme le stipule l'article 2 de la loi 15-76 relative à son organisation, le CNDH estime que le projet de loi n°10.23 comporte des lacunes qui nécessitent une révision approfondie.
Les observations du CNDH
L'une des principales préoccupations soulevées par le CNDH concerne le renforcement des droits des détenus. Le conseil insiste sur l'importance de garantir les droits fondamentaux des détenus et demande la suppression de clauses ambiguës dans le projet de loi qui pourraient compromettre cette protection.
Parmi les questions soulevées figure l'ambiguïté entourant les termes "sécurité et ordre" dans le projet de loi. Selon le CNDH, cette ambiguïté donne au directeur de l'établissement pénitentiaire une marge de manœuvre pour restreindre l'accès des détenus à des activités sportives, sans une définition claire de ces termes.
Le manque de définitions précises et de critères mesurables pour des concepts tels que "comportement dangereux" et "conduite perturbatrice" est également souligné par le CNDH. Le conseil recommande l'inclusion de telles définitions et la suppression de clauses telles que "dans la mesure du possible" ou "si nécessaire".
Le projet de loi suscite également des inquiétudes concernant l'accès limité des détenus aux soins médicaux et juridiques, en fonction des ressources disponibles, sans garantir une protection complète pour les détenus atteints de troubles mentaux.
Les restrictions sur la liberté de pensée des détenus, les limitations des visites familiales et la restriction de la communication entre les avocats et leurs clients en passant par l'établissement pénitentiaire sont également pointées du doigt par le CNDH.
La violation du droit à la vie privée en soumettant les communications à la surveillance est une autre préoccupation majeure soulevée par le conseil. Il souligne également que le projet de loi ne prévoit pas d'informer les avocats et le CNDH en cas de grève de la faim des détenus.
En ce qui concerne les conditions de détention et les droits des détenus handicapés, le CNDH identifie des lacunes importantes, ainsi qu'un déséquilibre dans les priorités du système carcéral en faveur de la sécurité intérieure au détriment de la réhabilitation des détenus.
Le conseil critique également les mesures disciplinaires du projet de loi et les termes ambigus tels que "rébellion" et "incitation au chaos", soulignant qu'ils pourraient entraîner des interprétations différentes et des abus.
Certaines recommandations
Face à ces préoccupations, le Conseil National des Droits de l'Homme formule plusieurs recommandations pour améliorer le projet de loi. Parmi elles, on compte la possibilité pour les détenus de porter des vêtements civils lors de sorties autorisées, l'accès à des médecins spécialisés dans les établissements pénitentiaires, et la suppression des clauses restrictives relatives à la communication entre les avocats et les détenus.
Le CNDH suggère que les détenus puissent porter leurs vêtements habituels lorsqu'ils sortent de l'établissement pénitentiaire pour des raisons légitimes. De plus, il est proposé d'autoriser les hommes à bénéficier de services de coiffure de manière régulière.
L'un des points les plus cruciaux abordés par le CNDH concerne le droit des détenus aux soins médicaux. L'article 64 du projet de loi stipule que les détenus ont droit à des soins médicaux et psychologiques adéquats, mais comporte la restriction "dans les limites des moyens disponibles". Le CNDH recommande la suppression de cette mention pour garantir pleinement ce droit fondamental, sans être soumis à des contraintes.
L'article 100 du projet de loi autorise les établissements pénitentiaires à conclure des contrats avec des médecins généralistes ou spécialisés pour assurer des soins médicaux aux détenus, à condition que les ressources nécessaires soient disponibles. Le CNDH préconise une reformulation de cet article afin de clarifier cette condition et de s'assurer que les soins médicaux ne dépendent pas de la disponibilité des ressources.
L'article 76 du projet de loi interdit actuellement aux familles de recevoir ou d'envoyer quoi que ce soit aux détenus par l'intermédiaire de l'établissement pénitentiaire. Le CNDH souligne que cette restriction peut poser des problèmes liés à la liberté de communication des détenus. Il recommande donc de reformuler cet article pour permettre aux familles de recevoir ou d'envoyer des biens aux détenus, tout en veillant à ce que les règles internes des établissements pénitentiaires soient respectées.
L'article 72 du projet de loi doit être amendé, selon les recommandations du CNDH, afin de garantir le droit des détenus à une assistance juridique effective et à des consultations confidentielles avec des avocats de leur choix. Cela renforce leur accès à la justice et à une défense adéquate.
Enfin, les articles 87, 94 et 95 du projet de loi traitent de la surveillance et de l'interception des correspondances et des communications des détenus dans le but de préserver l'ordre et la sécurité dans les établissements pénitentiaires. Le CNDH recommande l'ajout de clauses garantissant le respect de la confidentialité des communications des détenus, tout en préservant la sécurité dans les établissements.

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