Economie
Rapport: Les recommandations du CESE pour faire face au choc inflationniste
03/11/2022 - 13:19
Khaoula BenhaddouLe Maroc connait, à l’instar de tous les pays, une accélération quasi-continue du taux de l’inflation depuis 2021. Ce choc inflationniste occasionne des pertes significatives en terme de pouvoir d’achat.
Selon le rapport annuel du CESE, cette tendance haussière s’est accélérée à partir du mois d’avril 2021 et s’est poursuivie durant le premier semestre de 2022 impactant significativement le pouvoir d’achat des citoyens.
Le taux d’inflation n’a pas dépassé 1,4% en moyenne annuelle sur l’ensemble de l’année 2021. Néanmoins, les taux observés au cours des derniers mois de la même année indiquent une accélération. Le rapport du CESE précise que l’inflation moyenne durant le dernier trimestre 2021 s'est établie à 2,5%, avant d’atteindre 3,1%, 3,6% et 5,3% respectivement en janvier, février et mars 2022.
Les perspectives de l’inflation pour 2022 laissent entrevoir une hausse plus accentuée, soit 4,7% en moyenne selon Bank Al Maghrib, avant de revenir à 1,9% en 2023.
Toujours selon le même document, la part des personnes qui estiment que le coût de la vie a connu une forte augmentation est passée de 55% en 2021 à 97% pendant les premiers mois
Quelles sont les principales causes de la hausse des prix au Maroc?
L’inflation est un phénomène mondiale causé entre autre par les répercussions des mesures de lutte contre les effets de la pandémie.
A en croire le rapport du CESE, l’inflation au Maroc est essentiellement importée "si les tensions inflationnistes sont généralement d’origines multiples, force est de constater que pour le cas du Maroc les hausses importantes de prix observées récemment sont majoritairement d’origine externe (inflation importée)" lit -on dans le document.
Ces facteurs externes sont multiples et se présentent comme suit :
-L’impact important du renchérissement des prix des matières premières énergétiques sur le marché international, en particulier le pétrole et le gaz naturel, a été rapidement répercuté sur les prix domestiques des carburants, reflétant entre autres la capacité de stockage insuffisante dont dispose le pays qui l’empêche de lisser la transmission des chocs énergétiques externes sur les prix au niveau national.
- Le renchérissement du prix du carburant a été répercuté sur le coût de transport domestique des marchandises, ainsi que sur les prix des différents produits dont le processus de production est intensif en intrants énergétiques.
-Le renchérissement des cours internationaux des matières premières hors énergie, notamment, les céréales et les huiles a entrainé une hausse significative des prix internes de ces produits, sans omettre les effets des mauvaises campagnes agricoles dans plusieurs pays producteurs, ainsi que la guerre en Ukraine et l’évolution rapide de la demande chinoise.
-La transmission de l’inflation dans la zone euro vers le Maroc en raison du poids prépondérant de l’Europe dans le total des importations du pays.
-La hausse persistante du coût du fret maritime à cause de la crise des conteneurs a eu également de fortes répercussions sur les prix à l’import et par conséquent sur les prix domestiques.
-Outre la problématique de disponibilité des conteneurs, l’augmentation des marges de profit des sociétés de transport depuis le début de l’année 2021 et de celles des grandes sociétés de négoce international ont contribué, à leur tour, au renchérissement des prix des produits importés.
-Depuis le déclenchement de la crise Covid-19, mais également avec la survenue de la guerre en Ukraine, des mesures restrictives à caractère souverainiste ont été adoptées par plusieurs pays pour réduire les exportations de certains produits de base comme les céréales et les huiles, ce qui a alimenté la hausse des prix de ces catégories de produits.
Les recommandations du CESE :
Conscient des effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des citoyens, le CESE a dressé une liste de recommandations.
Ainsi le Conseil recommande à court terme de:
-Soutenir le pouvoir d’achat en cas de persistance de la hausse des prix, nécessiterait des mesures urgentes, notamment, sous forme d’aides ciblées distribuées aux catégories les plus vulnérables qui ont subi les effets du renchérissement du coût de la vie.
En plus, les pouvoirs publics peuvent continuer à maintenir les droits de douane sur les prix de certains produits de base importés à des niveaux bas et diminuer momentanément les exportations des biens essentiels qui ont connu récemment des hausses importantes.
Sur le plan du fonctionnement du marché, il est impératif à l’heure actuelle d’élargir l’étendue et de renforcer la fréquence du contrôle du respect de la concurrence dans les différents secteurs, en particulier ceux relatifs aux biens de première nécessité et produits de base, afin de combattre toute pratique d’entente ou d’abus de position dominante pouvant détériorer davantage le pouvoir d’achat des citoyens.
A moyen terme il est recommandé de:
-Accélérer la mise en place du Registre social unique (RSU) pour un meilleur ciblage des dépenses de soutien au pouvoir d’achat à l’avenir. La mise en place de cet outil questionne la pertinence des critères de ciblage retenus et surtout le sort de la classe moyenne au cas où celle-ci serait exclue du ciblage, alors qu’elle subit de plein fouet le renchérissement des produits énergétiques et de base.
-Etudier la possibilité de création d’un fonds permanent de stabilisation face aux chocs majeurs et les modalités de financement de ce fonds. Il servira, entre autres, à garantir le pouvoir d’achat des catégories vulnérables lors des périodes de renchérissement excessif des produits de première nécessité. Le déblocage des ressources devra toutefois obéir à des critères stricts et mesurables et à des règles transparentes.
-Créer une instance de régulation du secteur des hydrocarbures afin de contrôler les comportements de marge excessifs nuisibles au pouvoir d’achat.
-Accélérer le processus de transition énergétique pour minimiser la vulnérabilité aux fluctuations des prix du pétrole et du gaz.
-Assurer une gestion plus préventive des stocks énergétiques, qui requiert d’investir davantage dans les capacités de stockage internes et d’envisager les modalités possibles d’une mobilisation des capacités de stockage de la Samir.
-Organiser les espaces et circuits de commercialisation des produits agricoles pour limiter la spéculation des intermédiaires. Pour ce faire, il est recommandé de:
1-Procéder à la réforme et à l’organisation des espaces de commercialisation (souks de quartiers, souks hebdomadaires, circuits courts, vendeurs ambulants, etc.) en considérant l’approche territoriale et les liens de ces espaces avec les marchés de gros;
2- Favoriser l’organisation des petits agriculteurs en coopératives pour faciliter leur accès au marché;
3- Accélérer la réforme des marchés de gros: adopter un dispositif ouvert à la concurrence et conditionné par le respect d’un cahier de charges. Cette réforme doit être réalisée dans le cadre d’une approche globale suscitant le concours des différentes parties prenantes (Etat, interprofession, régions, communes, secteur privé, etc.);
4-Mettre en place un cadre réglementaire précis et opposable pour réguler et repenser le rôle et les missions du métier de l’intermédiaire et expliciter ses droits et devoirs au niveau de la chaine de commercialisation.
5-Mettre en place un "observatoire des prix et des marges", qui pourrait être abrité par le Conseil de la concurrence, pour aider à la détection de tout comportement d’accumulation non justifiée des marges de profit au détriment du citoyen. Cet observatoire ferait le suivi non seulement des prix des produits alimentaires, mais pourrait inclure aussi les prix de produits non-alimentaires spécifiques.
En matière de logistique et transport international, il est recommandé d’étudier la faisabilité de mise en place d’une flotte maritime de fret gérée par une compagnie nationale.L’objectif est de réduire la dépendance de notre pays aux compagnies étrangères ainsi que le risque de rupture d’approvisionnement, tout en atténuant l’impact de la flambée des tarifs de transport imposés par les compagnies étrangères en période de crise.
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