Economie
Soldes: une opération encadrée par la loi, mais...
23/12/2021 - 07:00
Aïcha DebouzaManteaux, bottes, gros pulls, bonnets d’hivers… En cette période assez froide de l’année, les commerçants se retrouvent avec d’importants stocks de vêtements chauds à écouler. Justement, c’est le moment où les démarques battent leur plein et apportent beaucoup aux commerçants comme aux consommateurs. "Vendre à des prix très bas est réglementé par la loi. C’est la seule période de l’année pendant laquelle le fournisseur peut vendre ses produits ou services à un prix moins cher que le coût de revient", explique Ouadi Madih, président de l’Association de la protection du consommateur UNICONSO.
Une loi "très peu appliquée"
En effet, le président d’UNICONSO explique que dans beaucoup de pays européens comme la France par exemple, il est strictement interdit par la loi de la concurrence de vendre un produit à un prix moins cher que le prix coûtant. Le faire donc en dehors du cadre des soldes serait de la concurrence déloyale, qui est punie par la loi de la concurrence française. "Le législateur marocain n’a malheureusement toujours pas traité ce point très important, et c’est une lacune parmi tant d’autres dans la législation des soldes", ajoute Ouadi Madih.
Au sens de la loi, les soldes sont les ventes qui sont accompagnées ou précédées de publicités annoncées comme tendant à l’écoulement accéléré de marchandises en stock par une réduction de prix, tel que disposé par l’article 53 de la loi 31-08. Ladite loi édicte des mesures de protection du consommateur et complète le dispositif existant en matière de protection de ce dernier. Elle vise également à mettre en place un cadre favorable pour la promotion du rôle des associations de protection du consommateur.
"La loi est là, maintenant est-ce que le professionnel l’applique ou pas, c’est ça le grand problème. Le ministère de la tutelle a effectivement fait, il y a deux ans de cela, une campagne de sensibilisation mais ça ne suffit pas", rappelle le président d’UNICONSO. Selon lui, la loi n’a pas défini de date précise pour les soldes, laissant aux commerçants le libre choix de la définition de cette période.
Que dit la loi?
L’article 55 de la loi 31-08 stipule que toute publicité relative à une opération de soldes mentionne la date de début de l'opération, sa durée et la nature des biens ou produits sur lesquels porte l'opération, si celle-ci ne concerne pas la totalité des biens ou produits du fournisseur.
Dans cette veine, la période des démarques doit respecter nombre de règles dictées par la loi. Mais pourquoi toute cette organisation autour d’un événement comme les soldes? La réponse est simple. Les soldes sont encadrés par une législation afin d’éviter toute concurrence déloyale ou tout abus de la part des commerçants. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur marocain a mis en place plusieurs dispositifs afin de garantir au consommateur ses droits les plus fondamentaux.
Parmi lesdits droits, le droit à l’information. Le commerçant doit fournir au consommateur toutes les informations nécessaires avant la conclusion d’un contrat de vente, tout en lui garantissant la liberté d’achat en fonction de ses besoins et moyens. Le vendeur doit pareillement offrir, dans certains cas de figure, au consommateur un délai de 7 jours pour changer son avis. "La rétractation concerne surtout, même en période de soldes, le e-commerce. En ce qui est des achats en présence physique, le consommateur peut échanger son article ou se faire rembourser en cas de vice apparent mais pas autrement en période de soldes sauf si le commerçant l’a mentionné. Hors soldes, les consommateurs ont normalement une garantie de rétractation d’une année", fait savoir Ouadi Madih.
Une responsabilité partagée
Mais le professionnel explique qu'à défaut d'un contrôle et d'un accompagnement permanents de la tutelle, en l’occurrence le ministère de l’Industrie et du commerce, conjugués à quelques faiblesses apparentes dans les dispositions légales marocaines, quelques dépassements sont constatés. "Nous avons effectué l’an dernier, ainsi que cette année, une enquête à partir de laquelle nous avons constaté que les commerçants ne respectent pas la loi. Nous recevons aussi constamment des plaintes en rapport avec les prix cachés qui sont des fois supérieurs aux prix promotionnels, la qualité des articles soldés, ou encore l’affichage claire et net du terme «soldes»", lance le président d’UNICONSO.
En effet, l’article 54 de la loi citée précédemment formule que la vente en solde ne peut être pratiquée que si elle est accompagnée d'un affichage clair et lisible du terme "soldes". Le fournisseur est, dans ce sens, tenu d’indiquer dans les lieux de vente les produits ou biens, sur lesquels porte la réduction de prix, le nouveau prix appliqué et l'ancien prix qui doit être barré ainsi que la durée des soldes avec la détermination de leur début et de leur fin. Toujours d’après la loi, l'ancien prix barré ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par le fournisseur pour un bien ou produit similaire dans le même établissement au cours des 30 derniers jours précédant le début des soldes.
"Entre la loi et son exécution, il y a un grand gouffre. Il y a un problème d’appellation précise des soldes, (liquidation, black Friday, promotions…), mais lorsque nous parlons de promotions, ce ne sont pas les soldes, il ne faut donc pas confondre entre les deux. On peut même qualifier ce genre d’affichage de publicité mensongère", relate Ouadi Madih qui estime aussi que les efforts de l'association de protection des consommateurs ne suffisent pas et que la tutelle a un "grand rôle à jouer aussi".
Contacté par SNRTnews, le ministère de l’Industrie et du commerce a expliqué qu’il veille, du mieux qu’il peut, au respect de la loi 31-08 édictant les mesures de protection du consommateur. "Les contrôleurs du ministère de l’Industrie et du commerce effectuent régulièrement des visites de contrôle des pratiques commerciales, portant notamment sur les aspects suivants: l’affichage des prix, la délivrance des factures, l’étiquetage des produits et les opérations promotionnelles dont les soldes", a-t-on indiqué.
Une responsabilité qui, selon Ouadi Madih doit être partagée. "C’est trop facile de blâmer uniquement les commerçants, le législateur ou encore l’administration qui ne contrôlent pas, alors que le consommateur est également responsable, car il participe à ce dysfonctionnement. Il faut que le consommateur soit aussi conscient", conclut-il.
Articles en relations
Economie
Economie
Economie
Economie