Société
Violences basées sur le genre dans le cinéma marocain: une étude pour un changement nécessaire
23/01/2025 - 19:02
Yasmine Ouchrif | Mohammed Fizazi
Une étude récente, menée par l'Association des Rencontres Méditerranéennes du Cinéma et des Droits de l'Homme (ARMCDH), a mis en lumière l'ampleur des violences basées sur le genre (VBG) dans le secteur du cinéma au Maroc. Soutenue par l'Union européenne, cette étude a pour objectif de comprendre les mécanismes de ces violences, d'en analyser les causes et de proposer des recommandations pour protéger les professionnelles de ce secteur.
Fadwa Mroub, présidente de l'ARMCDH, a déclaré à SNRTnews que l'idée de cette étude est née de l'observation de lacunes en matière de droits humains dans la production cinématographique au Maroc. Elle a expliqué que l’ARMCDH avait initialement entrepris une analyse des politiques publiques en matière de cinéma, concluant que ces dernières ne tiennent pas suffisamment compte de l’évolution des droits humains. Parallèlement, des enquêtes sur les pratiques professionnelles ont révélé des situations alarmantes, notamment des cas de harcèlement sexuel rapportés par les médias.
Les résultats de l'étude montrent que les violences psychologiques sont les plus fréquentes dans le secteur. Elles se manifestent souvent dans des relations de pouvoir asymétriques et sont parfois utilisées comme représailles à des dénonciations. Ces violences, durables et intentionnelles, laissent des séquelles profondes sur les victimes. Les violences économiques, également courantes, concernent principalement les techniciennes et chargées de production, qui subissent des contrats désavantageux ou une répartition inéquitable des tâches. Les violences sexuelles, quant à elles, touchent surtout les jeunes actrices, exposées à des comportements inappropriés, des avances insistantes ou des chantages sexuels. Ces formes de violences sont souvent entourées de silence, les victimes hésitant à les dénoncer par crainte de représailles ou de stigmatisation.
L’étude pointe également l’absence d’un cadre juridique spécifique pour lutter contre ces violences dans le secteur du cinéma. Bien que des lois générales existent, comme la loi 103-13 contre les violences faites aux femmes, elles ne s’appliquent pas directement aux lieux de travail. Cette situation est aggravée par des conditions professionnelles souvent précaires et une culture patriarcale qui banalise ces violences. De plus, la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles et les syndicats affaiblit leur capacité à plaider pour des changements structurels.
Pour répondre à ces défis, l'étude propose plusieurs mesures. Elle recommande l'élaboration d'un contrat type par le Centre Cinématographique Marocain (CCM) et le ministère de la Culture, intégrant des clauses contre les discriminations et violences, ainsi qu'une description claire des tâches et responsabilités. Elle insiste également sur l'importance de campagnes de sensibilisation et de formation pour les professionnelles, afin de mieux les informer sur leurs droits et les moyens de prévention. Par ailleurs, l'étude appelle à renforcer les mécanismes de soutien aux victimes, notamment psychologiques et juridiques, et à promouvoir la parité dans les instances professionnelles pour un meilleur équilibre des pouvoirs.
Cette étude, première en son genre, constitue une étape cruciale dans le plaidoyer pour une politique publique du cinéma respectueuse des droits humains, et en particulier des droits des femmes. L’ARMCDH espère mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur pour transformer ces recommandations en actions concrètes et créer un environnement de travail sûr, équitable et inclusif.

Articles en relations
Art & Culture
Art & Culture
Art & Culture
Art & Culture