Economie
Youssef Alaoui, président de la FISA : « Les pertes essuyées par le secteur avicole lors de la crise Covid-19 s’élèvent à 4 milliards de dirhams ».
21/12/2020 - 11:46
Younes SaouryLa crise sanitaire causée par le nouveau coronavirus (Covid-19) a frappé de plein fouet la filière avicole. En difficulté avant la découverte du premier cas de contamination au Maroc en mars dernier, le secteur a essuyé des pertes supplémentaires, mais surtout, colossales à cause des mesures d’urgence instaurées par le gouvernement marocain pour limiter la propagation du nouveau virus, notamment l’interdiction des fêtes et des rassemblements ainsi que la fermeture des hôtels et des restaurants. Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA), revient pour la SNRT News sur les pertes de la filière avicole lors de cette période de crise, mais aussi sur l’absence des mesures d’accompagnement de l’État pour (re)booster un secteur qui aspire à se faire une place dans le vaste marché africain.
SNRT News : Quel impact la crise sanitaire due au nouveau coronavirus a-t-elle eu sur le secteur avicole ?
Youssef Alaoui: Dès le début de la crise, nous avons procédé à une évaluation des pertes subies par les différentes branches d’activités du secteur (l’élevage, les aliments composés, la production de poussins, l’abattage et la production d’œufs). À la suite de cette évaluation, nous avons constaté une chute de 40% de la consommation des produits avicoles. Cela est le résultat direct de la fermeture des restaurants, hôtels et souks hebdomadaires, et de la restriction des rassemblements à cause de l’état d’urgence sanitaire imposée par la Covid-19. À mi-septembre 2020, les pertes essuyées par les professionnels du secteur s’élèvent à 4 milliards de dirhams. Par ailleurs, il faut dire que la situation s’est nettement améliorée à partir de fin septembre et début octobre, où nous avons assisté à un redressement des prix de vente des produits avicoles et une amélioration de la consommation.
Est-ce que vous avez bénéficié d’un accompagnement de l’État lors de cette crise sanitaire à fortes répercussions économiques ?
En dépit de l’ampleur de la crise et de son impact sur les différents acteurs du secteur, on n’a pas bénéficié du soutien financier de l’État. Les professionnels du secteur agricoles, même ceux affiliés à la CNSS, n’ont pas bénéficié des indemnités de 2.000 dirhams servies par la caisse aux employés en arrêt d’activité. Pourtant plusieurs professionnels du secteur répondaient aux critères du comité de veille économique et devraient normalement bénéficier de ce petit coup de pouce.
De même peu de sociétés qui œuvrent dans le secteur avicole ont pu profiter des crédits garantis comme Damane Oxygène et Damane Relance. Les donneurs d’ordre ont considéré, à tort, que tous les professionnels du secteur agricole, dont les aviculteurs, ont continué à produire lors de la période de confinement. C’est vrai que plusieurs avaient continué à travailler, mais ils ont travaillé à perte. Depuis le début de la crise et durant 6 mois, nous avions vendu les volailles à 6 dirhams le kilo, alors qu’il nous coûtait 12 dirhams.
Quel impact a eu le Plan Maroc Vert (PMV) sur l’évolution de la filière avicole ?
Le PMV a eu un impact considérable sur la filière avicole. Le contrat programme pour le développement de la filière avicole (2011-2020) que nous avions conclu en avril 2011 avec le gouvernement a boosté les investissements dans le secteur. Les réalisations ont même dépassé les objectifs fixés en 2011 pour atteindre 31,6 milliards de dirhams comme chiffres d’affaires et 12,9 milliards de dirhams d’investissement. Cela s’est aussi reflété sur la création d’emplois. Les différentes branches da la filière avicole ont créé près de 200.000 emplois directs et 500.000 entre emplois directs et indirects. Il a également participé à l’amélioration de la consommation des produits avicoles qui s’établit actuellement à un niveau très raisonnable. Aujourd’hui, la consommation de viandes de volaille par habitant par an est de 20,5 kg et 188 œufs de consommation. La filière s’est également positionnée à l’export des poussins, de la charcuterie et des aliments composés, chose qui était même impensable il y a dix ans. Dans ce même cadre, il faut aussi noter que des opérateurs nationaux se sont même implantés ) Mali, au Sénégal et en Mauritanie pour investir dans la production des poussins. Le seul hic qui persiste à ce jour, c’est la modernisation des circuits de distribution, notamment à travers la lutte contre l’abattage clandestin et la mise à niveau des abattoirs industriels. Ce chantier ne dépend pas du ministère de l’Agriculture, mais des autorités locales qui assurent la tutelle sur l’ensemble des abattoirs.