Economie
Achats en ligne depuis l'étranger: l'ADII serre la vis en 2022
27/12/2022 - 12:00
Mohammed FizaziSelon des enquêtes réalisées par l’Administration des Douanes et Impôts Indirects, des pratiques illégales étaient à l'origine de cette évolution "inquiétante" du secteur du e-commerce. "Il a été constaté que les envois expédiés par certaines plateformes internationales de commerce électronique consistent en réalité en des opérations d'importation de grandes quantités de marchandises, sous couvert des facilités douanières prévues pour les envois exceptionnels n'ayant pas de caractère commercial ainsi que les marchandises de faible valeur", avait déclaré l'ADII.
Emergence d'un marché informel
Selon ladite administration, cela a mené à l'émergence d'un marché informel consistant en la revente d’articles acquis via des sites internationaux de commerce électronique, en usant de la fraude sur la valeur déclarées des achats (sous-facturation) ou en les répartissant entre plusieurs bénéficiaires, alors que l'acheteur réel est la même personne et ce, afin de bénéficier de l'exonération douanière et de contourner les normes de contrôle liées à la protection du consommateur. "Ces pratiques constituent une concurrence déloyale pour l'industrie locale et le commerce formel et un manque à gagner certain pour l'État et peuvent représenter un danger pour la santé du consommateur".
Ainsi, l’administration de douanes a décidé "d’amender les dispositions de l’article 190-e)-2° du décret n° 2-77-862 cadrant les envois exceptionnels dénués de tout caractère commercial". A compter du 1er juillet 2022, les achats effectués via les plateformes internationales de commerce électronique ont été exclus de l'exonération des droits de douane à l'importation, quelle que soit leur valeur.
L'ADII avait précisé que cette disposition ne s'applique pas aux envois, sans caractère commercial reçus de l’étranger dont la valeur n'excède pas 1.250 dirhams, qui continueront à bénéficier de l'exonération douanière conformément au décret susvisé. Et de préciser que cette "mesure ne vise en aucune manière à porter atteinte à la liberté d'achat du consommateur via les plateformes de commerce international, mais a pour objectif plutôt de protéger tant le citoyen que l'économie locale".
Quel effet sur l'économie nationale
Il s'agit d'une "décision catastrophique" qui aura un "impact négatif" sur l'économie nationale, mais aussi sur les consommateurs, avait déclaré à SNRTnews Nabil Adel, économiste et directeur du groupe de recherche géopolitique et géoéconomique à l’ESCA.
"Le contexte est mal choisi, nous vivons une crise internationale d'inflation, qui pourrait toucher l'économie nationale. Si on rajoute des droits de douane, les prix vont tout simplement augmenter et cela alimentera le taux d'inflation", avait-t-il estimé.
Et d'ajouter: "certaines décisions peuvent être justes, mais des fois, le moment est mal choisi. Une telle décision aurait pu être prise à un moment ou l'inflation était de 1,1%. Maintenant que le taux d'inflation monte en flèche, une telle décision ne fera qu'alimenter la crise".
Pour Nabil Adel, "personne n'a rien à gagner d'une telle décision, même ceux qu'on cherche à protéger par de telles politiques, car "plus les prix montent plus la demande baissera".
Il estime aussi qu'une telle décision va à l'encontre des recommandations du Nouveau modèle de développement prônant l'ouverture économique, l'accélération de la digitalisation et la transition numérique.
Même son de cloche chez Rachid Aourraz, économiste et chercheur au Moroccan Institute for Policy Analysis, qui, dans une déclaration à SNRTnews, avait considéré que "l'imposition de droits de douane sur le commerce était devenue une politique commerciale d'un autre temps, mais la montée du discours antimondialisation -la mondialisation qui a profité aux consommateurs au niveau mondial comme au niveau marocain pendant 3 décennies- fait que les responsables et les gouvernements prennent de telles décisions".
Et à Aourraz de poursuivre: "En ce qui concerne le cas du Maroc, c'est une décision qui ne m'étonne pas, car il y a un discours protectionniste grandissant sur la justification de la protection du produit local, et ce n'est bien sûr pas une justification raisonnable, car le produit local ne se développe que dans le cadre de la concurrence avec le produit étranger".
Comment promouvoir le "Made in Morocco"?
Aourraz estime que des réformes institutionnelles sont nécessaires pour libéraliser l'économie marocaine. "Il faut arrêter de croire que la croissance économique peut venir autrement que par la libération des individus et de l'activité économique. Suite à cela, la croissance économique qui en résultera aidera à réaliser de nombreux objectifs, y compris l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise marocaine, et l’accès des produits marocains aux marchés extérieurs".
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