Economie
Face à l'économie informelle, le CESE appelle à l'élaboration d'une stratégie "intégrée et réaliste"
13/12/2021 - 21:27
Imane BenichouLe Conseil économique, social et environnemental (CESE) et la Chambre des conseillers ont discuté, lundi 13 décembre 2021 à Rabat, les conclusions de deux rapports élaborés par le CESE, dans le cadre d'une auto-saisine, sous les titres "Une approche intégrée pour limiter le poids de l'économie informelle au Maroc" et "l'intégration économique et sociale des marchands ambulants".
Ahmed Reda Chami, président du CESE, a précisé, lors de son allocution d’ouverture de cette journée d’étude, que le premier rapport concernant l’économie informelle aborde ce secteur sous un angle d'analyse "large et transversal".
L'économie informelle, toujours selon Chami, reste "un phénomène complexe" au système économique de notre pays et "une source d'inquiétude". Elle représente 30% du produit intérieur brut (PIB), selon les dernières données de Bank Al-Maghrib datant de 2018. "Les institutions nationales et internationales estiment qu’entre 60 et 80% de la population active au Maroc exercent des activités qui relèvent de l'économie informelle", a-t-il précisé.
Le président a souligné que le CESE a précisé, dans son rapport, que l'économie informelle, "dans son sens le plus large", se caractérise par ses multiples composantes et les catégories qui y opèrent, à savoir, le marchand ambulant ou le simple artisan, les grandes unités informelles qui se livrent à la contrebande ou emploient des dizaines de personnes non déclarées dans des lieux de travail non autorisés, et les entreprises qui pratiquent la fraude sociale et l'évasion fiscale.
Programmes et persistance
Ahmed Reda Chami a en outre affirmé que les pouvoirs publics ont lancé de nombreux programmes visant à l'insertion directe ou indirecte du secteur informel. "Cependant, les initiatives prises n'ont pas réussi à dénouer la problématique de l'économie informelle", a-t-il ajouté, donnant l’exemple d’un programme national pour intégrer les marchands ambulants, s'étalant sur la période entre 2015 et 2018, qui n’a réussi à la réhabilitation que de 124.000 marchands ambulants sur 430.000 ciblés.
"De nombreux facteurs peuvent expliquer la persistance du secteur informel au Maroc", a expliqué Chami, citant notamment le niveau insuffisant de qualification qui exclut de nombreuses populations actives de travailler dans l'économie formelle, le manque d'opportunités d'emplois décents et permanents en milieu rural, la faible intégration qui caractérise le système de protection sociale, la persistance de barrières juridiques qui entravent le processus d'intégration de l'économie informelle, la difficulté d'accès au financement et au marché et l'efficacité limitée des lois.
Il est vrai que les activités économiques non organisées permettent à de larges segments de la population de trouver une source de revenus et d'échapper au chômage, mais en même temps elles aggravent la vulnérabilité sur le marché du travail et privent les travailleurs de leurs droits à un travail décent et à la protection sociale, s'engagent dans des concurrences déloyales pour les entreprises organisées, et nuisent à l'économie nationale, puisque lÉtat perd d'importantes recettes fiscales.
Conscient des risques liés à la pérennité et à l'expansion de l'économie informelle, le CESE appelle à l'élaboration "d'une stratégie intégrée et réaliste qui vise, de manière progressive, à réduire la taille de l'économie informelle au Maroc".
"Cette stratégie doit être appuyée par des indicateurs de mesure concrets selon la nature des obstacles qui ont été enregistrés et selon la catégorie d'acteurs du secteur", a précisé Chami.
"La mise en œuvre de cette stratégie devrait réduire progressivement la part de l'emploi informel à 20% de l'ensemble des emplois", a-t-il affirmé. Un chiffre proche de la moyenne de certains pays développés, a-t-il encore commenté, précisant que ce pourcentage devrait inclure plus particulièrement les activités de subsistance ainsi que les unités de production informelles (UPI) aux capacités limitées. "Une approche plus stricte devrait être adoptée visant à éliminer les activités illégales et clandestines et les pratiques des UPI concurrentes du secteur formel", a-t-il ensuite affirmé.
Mesures phares
Dans son rapport, le CESE a mis en avant des mesures-phares, dont certaines ont été citées par le président Ahmed Reda Chami, au cours de cette journée d'étude.
Il a ainsi appelé à supprimer les barrières réglementaires et administratives en procédant à la refonte des textes obsolètes ou inapplicables qui entravent la formalisation et en améliorant l’attractivité du statut de l’auto-entrepreneur. Le CESE propose pour ce type d’entrepreneuriat d’élever le seuil de chiffre d’affaires annuel maximal et d’autoriser le recrutement d’un maximum de deux ou trois salariés.
Le conseil propose aussi de réviser le mécanisme de la Contribution professionnelle unique (CPU) et des droits complémentaires d’accès à la protection sociale, "de façon à indexer directement la cotisation à la capacité de paiement de chacun".
Chami a aussi évoqué le renforcement de l’offre d’accompagnement en conseil et assistance en offrant des prestations adaptées pour l’orientation des différents entrepreneurs informels souhaitant initier leur intégration et en garantissant un accompagnement de bout en bout pour les entrepreneurs souhaitant migrer vers le statut de SARL. Et de citer le renforcement des contrôles et des inspections à différents niveaux (inspection du travail, CNSS, contrôle de conformité technique, etc.) en veillant à ce que le niveau des sanctions soit suffisamment dissuasif et proportionnel à la gravité du délit.
Le CESE propose, en plus, de prévoir des zones d’activités économiques et zones industrielles offrant des locaux aménagés, en mode location, avec un loyer et des superficies adaptés aux besoins des micro-unités; et d’établir des bases de références par secteur et localité qui donnent un cadre objectif d’estimation et de contrôle de l’activité des entreprises et des chiffres associés.
Adapter, diversifier et faciliter l’accès aux moyens de financement, est une 7e mesure suggérée par le conseil, notamment en élargissant la liste des objectifs visés par le Fonds Mohammed VI pour l'investissement, à celui du financement du processus d’intégration de l’économie informelle et en proposant des offres de financement à des conditions plus avantageuses au profit des jeunes et femmes souhaitant passer au formel. "Il convient pour cela de capitaliser sur les dispositifs existants tels que Intilaka et/ou concevoir, le cas échéant, de nouveaux instruments", précise-t-on dans le rapport.
Le conseil suggère en outre la mise en place d’une bourse de la co-traitance pour encourager les soumissions groupées des auto-entrepreneurs et micro-entreprises aux marchés publics et distinguer, au niveau de la commande publique, la part minimale de marchés à dédier aux auto-entrepreneurs et aux coopératives de celle accordée aux PME.
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