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FIFM 2023 : le directeur artistique, Rémi Bonhomme, révèle les particularités de la 20e édition
21/11/2023 - 11:42
Mohammed Fizazi
Quelles sont les principales nouveautés de cette 20e édition du Festival International du Film de Marrakech?
C’est une année particulière car elle marque la 20e édition du Festival, qui réunira de nombreuses personnalités du cinéma dont certaines reviennent à Marrakech, preuve de l’attachement profond et fidèle qu’elles entretiennent avec cette manifestation. Soutien de longue date au festival auquel il a participé à 5 reprises, Martin Scorcese sera présent au festival pour endosser un nouveau rôle: celui de Parrain des Ateliers de l’Atlas. En apportant son regard aux projets des cinéastes marocains, arabes et africains sélectionnés à ce programme professionnel, il inaugurera une nouvelle tradition du festival, qui consistera à faire appel à une grande personnalité du cinéma mondial pour parrainer les Ateliers de l’Atlas.
La programmation de cette édition fera la part belle à la comédie. Le ton sera donné dès l’ouverture avec Hit Man, la comédie irrésistible de Richard Linklater et se poursuivra avec Making of, le film social rempli d’humour de Cédric Kahn, qui nous plonge dans les coulisses d’un tournage; mais aussi The Holdovers, le film tendre et réconfortant d’Alexander Payne, ancien lauréat de l’Etoile d’or. L’humour sera aussi présent à travers Déserts, le western burlesque et mystique de Faouzi Bensaïdi, qui pose un regard incisif et poétique sur l’ultralibéralisme. Le public pourra également découvrir Simple comme Sylvain de Monia Chokri, qui offre une vision résolument moderne de la comédie romantique.
Fidèle à sa mission de découverte de nouveaux talents, la compétition officielle est le reflet de la jeune création mondiale. Pour la troisième fois dans l’histoire du festival, deux films marocains seront en lice pour l’Etoile d’or: Les Meutes, un thriller teinté d’humour noir signé Kamal Lazraq et La mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir, un documentaire puissant qui affronte les non-dits familiaux. Parmi les 14 œuvres cinématographiques sélectionnées en compétition, 8 sont réalisées par des cinéastes femmes. La compétition officielle présente également 5 films qui ont été choisis pour représenter leur pays aux Oscars.
La dimension professionnelle du festival sera également présente à travers les premières mondiales de plusieurs films: Disco Afrika: une histoire malgache de Luck Razanajaona sélectionné en compétition officielle ainsi que deux films présentés dans le cadre du Panorama du cinéma marocain: Moroccan Badass Girl de Hicham Lasri et Mora est là de Khalid Zairi. Par ailleurs, la programmation inclut le nombre record de neuf films, précédemment soutenus par les Ateliers de l’Atlas, qui accompagne les cinéastes marocains arabes et africains dans le développement et la postproduction de leurs projets.
La section Séances spéciales présentera les premières régionales des oeuvres de 16 cinéastes célébrés par la critique internationale tels que Bertrand Bonello pour La Bête ou Alice Rohrwacher pour La Chimera. La programmation du 11e Continent qui accueille les voix les plus audacieuses du cinéma, inclut cette année plusieurs films portés par des personnalités de renom, comme les comédiens Marion Cotillard et Viggo Mortensen, mais aussi les cinéastes Kleber Mendonça Filho et Lisandro Alonso, tous deux anciens membres du jury du Festival International du Film de Marrakech. Enfin, nous avons souhaité développer notre action envers le jeune public afin de sensibiliser les spectateurs de demain. Ces séances réuniront près de 8.000 enfants et adolescents, dont certains feront l’expérience magique de la salle de cinéma pour la première fois.
Le récent séisme d'Al Haouz, la guerre au Proche-Orient, ainsi que la grève à Hollywood ont-ils influencé l'organisation du festival cette année?
La grève à Hollywood a impacté l’ensemble de l’industrie cinématographique mondiale. Pour autant, les personnalités les plus prestigieuses ont à nouveau répondu présent à cette 20e édition du Festival de Marrakech. L’actrice oscarisée Jessica Chastain présidera un jury d’exception majoritairement féminin. Le festival rendra également hommage à deux grands artistes: l’acteur Mads Mikkselsen et le cinéaste Faouzi BensaÏdi. Par son programme de conversations, le festival donnera la parole à des artistes aux profils aussi divers que Willem Dafoe, Viggo Mortensen, Tilda Swinton ou Andreï Zviaguintsev. Deux comédiennes passionnantes accompagneront également leurs derniers films. Isabelle Huppert présentera Sidonie au Japon d’Elise Girard et Merve Dizdar, les Herbes Sèches de Nuri Bilge Ceylan qui lui a valu le prix d’interprétation lors du dernier Festival de Cannes.
La tenue de cette 20e édition est le signe d’une reprise de l’activité touristique de Marrakech après la catastrophe naturelle qui a touché la région du Haouz et qui sera présente dans les esprits des festivaliers. Les projections que nous organisons à destination du jeune public accueilleront d’ailleurs des enfants et adolescents originaires des régions sinistrées par le tremblement de terre.
Compte tenu des événements dramatiques qui ont lieu actuellement au Proche-Orient, cette 20e édition adoptera une forme plus sobre. Le dispositif de la place Jemaa El Fna a été annulé et il n’y aura pas d’événements festifs. Le festival sera recentré sur l’essentiel: les films et les débats, les conversations avec les grands talents du cinéma mondial, les rencontres professionnelles. Le Festival reste donc fidèle à sa mission: constituer une plateforme de rencontre et d’échange autour du cinéma.
De quelle manière le festival soutient-il les cinéastes marocains, et comment cela se reflète-t-il dans la programmation?
Cette année, le cinéma national est représenté à travers 15 films projetés dans les différentes sections du festival. Ces œuvres reflètent la créativité et la diversité des cinéastes marocains parmi lesquels on retrouve des auteurs reconnus comme Faouzi Bensaïdi à qui le festival rend hommage, la documentariste Izza Genini, dont les œuvres ne cessent d’explorer la culture marocaine ou encore Hicham Lasri, réalisateur éclectique qui viendra présenter en première mondiale son dernier film. La programmation de cette édition met également à l’honneur une nouvelle génération de cinéastes marocains. Sofia Alaoui dévoilera en séance spéciale son film fantastique Animalia, qui avait été primé au dernier Festival de Sundance. Le Panorama du cinéma marocain présentera aussi les premiers ou seconds longs métrages de Jihane El Bahhar, Adil El Fadili, Leïla Kilani et Khalid Zairi. Six films marocains présentés dans la programmation ont auparavant bénéficié du soutien des Ateliers de l’Atlas, le programme professionnel du festival, qui œuvre depuis 2018, à accompagner les cinéastes et producteurs dans le développement ou la postproduction de leurs films.
Qu’en est-il du cinéma africain?
Les cinémas du continent africain sont très présents dans la programmation avec, en plus des films marocains, 12 œuvres cinématographiques venues d’Afrique du Sud, du Burkina Faso, du Cameroun, de Madagascar, du Nigeria, du Rwanda, du Sénégal, du Soudan ou encore de Tunisie. Sélectionné en compétition officielle, Banel et Adama signe l’arrivée de la talentueuse Ramata Toulaye Sy, avec laquelle le cinéma devra désormais compter. Egalement en compétition, Disco Afrika: une histoire malgache est réalisé par un ancien étudiant de l’Esav. Avec ce premier film intime et politique, Luck Razanajaona, nous plonge dans l’histoire de Madagascar, un pays peu représenté à l’écran. La représentation du réel est une question qui traverse cette programmation des cinémas d’Afrique à travers notamment les œuvres des documentaristes Sonia Ben Slama, Alain Kassanda, Boubacar Sangaré ou encore Rosine Mbakam. Nous dévoilerons en première régionale, deux films africains salués par les plus grands festivals internationaux: Goodbye Julia de Mohamed Kordofani et Les Ordinaires de Mohamed Ben Attia. A l’occasion des 10 ans de la disparition de Nelson Mandela, sera projetée la version restaurée de Sarafina, la comédie musicale et politique du sud-africain Darrel Roodt. Enfin, nous aurons le plaisir de partager avec le public la réjouissante comédie Voy! Voy! Voy!, choisie pour représenter l’Egypte aux Oscars.
La 20e édition est un anniversaire important dans la vie d’un Festival, quel bilan dressez-vous pour les 20 ans du FIFM ?
Depuis sa création en 2001, le Festival de Marrakech a très vite assis sa crédibilité à l’international par la qualité de son organisation, l’exigence de sa programmation et sa capacité de réunir, de manière unique, les plus grands noms du cinéma mondial grâce au travail passionné de Mélita Toscan du Plantier qui a créé des relations de confiance avec ces personnalités. Tout festival se doit d’évoluer pour répondre aux attentes d’une industrie en constant mouvement et d’un public dont les pratiques évoluent. En 2018, le festival s’est doté d’un nouveau programme professionnel, les Ateliers de l’Atlas, afin de répondre au besoin de rencontre, d’accompagnement et de visibilité des professionnels marocains, arabes et africains. Le festival a également ajouté de nouvelles sections à sa programmation pour diversifier son public. Le 11e Continent permet d’accueillir des œuvres audacieuses et offre la possibilité à un public cinéphile de s’aventurer hors des sentiers battus en venant à la rencontre de cinéastes novateurs. Le festival a également développé la cinéphilie de proximité en organisant de nombreux débats autour des films, tout en renforçant son action envers le jeune public.
Quelle est votre vision pour l'avenir du Festival International du Film de Marrakech, et comment envisagez-vous son évolution dans les années à venir?
Le Festival de Marrakech est amené à tenir un rôle à la fois régional et mondial. Depuis quelques années, les cinémas marocains, arabes et africains connaissent un véritable essor, illustré par leur présence très remarquée dans les festivals internationaux. En accueillant les premières Moyen-Orient et Afrique ou mondiales de films de la région, le Festival de Marrakech est devenu l’une des plateformes les plus visibles et attendues pour ces cinéastes et leurs distributeurs. D’un point de vue mondial, le Festival de Marrakech a su développer son identité propre: celle d’un lieu de rencontre unique entre des jeunes talents et les plus grands noms du cinéma. Cette association de la découverte d’auteurs à la célébration des cinéastes et comédiens les plus prestigieux est l’une des forces du festival car elle aboutit régulièrement à des collaborations. Récemment, la comédienne Vanessa Kirby a décidé de soutenir le film Foudre dans la course aux Oscars, en endossant le rôle de productrice exécutive. Elle avait découvert le premier film de Carmen Jaquier l’année dernière, lors de sa présentation en compétition au Festival de Marrakech où elle siégeait dans le jury. A l’avenir, le festival continuera de célébrer le cinéma mondial et d’œuvrer pour le développement des publics, tout en étant attentif aux évolutions de l’industrie cinématographique afin d’être une plateforme médiatique et professionnelle pour les films régionaux comme internationaux.

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