Société
Généralisation de l'AMO, "la population 114" pose toujours problème
09/04/2022 - 17:29
Aïcha DebouzaLe chantier de généralisation de l’Assurance maladie obligatoire a commencé en 2005. Depuis, ce projet a fait face à plusieurs freins qui ont entravé sa bonne évolution. Le 29 juillet 2020, SM le Roi Mohammed VI a donné un véritable coup d’accélérateur à ce mégachantier social, devenu un projet de règne. “Le moment est venu de lancer, au cours des cinq prochaines années, le processus de généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains. Ce projet requiert une réforme rigoureuse des systèmes et programmes sociaux”, annonçait le Roi à l’occasion de la fête du Trône.
Depuis, les différentes parties prenantes de ce dossier se sont mobilisées pour assurer la réussite de ce projet qui ambitionne de faire bénéficier à plus de 22 millions supplémentaires de Marocains d’une couverture médicale et d’un accès équitable aux soins. La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), principal acteur de ce chantier qui gère l’AMO du secteur privé, a multiplié les réunions avec les représentants des corps de métiers pour les inciter à intégrer le champ des personnes couvertes. Résultat : un total de 1.845.862 professionnels indépendants bénéficient désormais de l’AMO.
Dans le secteur public tout à l’air de bien se passer étant donné que les fonctionnaires des différents établissements publics bénéficient déjà de l’AMO, gérée par la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS). Pourtant, 1,8 million de citoyens échappent aux radars de l’AMO et sont couverts par une assurance privée, mutuelle ou une caisse interne. Il s’agit de la population dite "114", désignée à l’article 114 de la loi n°65.00 portant Code la de couverture médicale de base, et qui concerne les employés et les pensionnés des établissements publics et privés.
L’article 114, le hic
"En 2005, avec l’entrée en vigueur de l’AMO, l’État a souhaité l’appliquer à tout le monde, mais il a constaté qu’une bonne partie des salariés était déjà couverte soit par des contrats d’assurance groupe auprès des entreprises d'assurances, soit auprès de mutuelles, soit encore dans le cadre de caisses internes", explique une source proche du dossier. Elle ajoute, que cette situation rendait compliquée, le basculement de cette catégorie vers CNOPS ou encore vers la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Et c’est tout en se conformant à la Loi 65-00 et son article 114 que la situation s’est rendue compliquée. "Près de 1,8 million d’assurés continuent toujours à bénéficier de la dérogation donnée par les dispositions de l’article 114, au détriment des principes fondamentaux de l’AMO, à savoir la solidarité, l’équité et la mutualisation des risques", avait relevé Othman El Alamy, président par intérim de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS). Et ce, lors de la 8e édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance qui s’est tenue dernièrement à la Métropole.
Pour faire très simple, l’article 114 est une disposition qui prévoit un délai de grâce de cinq ans avant le basculement de tous les salariés du privé vers l’AMO avec une condition qui pose aujourd’hui problème pour les responsables gouvernementaux : le texte de loi est rédigé de telle sorte à ce que cette période de cinq ans ne démarre qu’après l’adoption de tous les décrets et textes d’application de la Loi 65-00.
"Plus d’une quinzaine d’années après l’entrée en vigueur de la loi en question, tous les textes d’application n’ont pas encore vu le jour. Autrement, la période de cinq ans n’a même pas encore démarré et donc de nombreux salariés du privé restent encore loin des radars du régime de l’AMO. Ceci sans parler du nombre de renouvellements autorisé qui n’a pas été défini", fait savoir notre source.
Une étude en gestations
Selon les premières estimations faites par l’ACAPS, le nombre de personnes relevant du secteur privé assurées dans le cadre des dispositions de l’article 114, majoritairement par des contrats d’assurance groupe maladie, s’élève à 672 mille (moins du quart du nombre d’adhérents AMO du secteur privé) pour une masse salariale de 66,3 MMDH, représentant ainsi près de 50% de la masse salariale de l’AMO du secteur privé. "Pour les entreprises d’assurances et de réassurance, le basculement de cette population vers l’AMO se traduira inéluctablement par la perte d’une bonne partie de leur portefeuille relatif à la branche maladie, en particulier en ce qui concerne les contrats d’assurance qui garantissent une couverture médicale de base", avait détaillé Othman El Alamy.
Afin de pallier à cette situation, le président de l’ACAPS a avancé que cette dernière va réaliser en 2022, une étude sur l’impact du transfert de la population "114" tant sur les équilibres financiers des régimes AMO gérés par la CNOPS et la CNSS, que sur ceux des entreprises d’assurances et de réassurance. À cet effet, "nous comptons sur la collaboration de tous ces organismes pour réussir cette mission", avait précisé El Alamy.
Il est certain que le passage des entreprises dites "114" vers l’AMO ne se fera pas sans risque pour ce régime. Toutefois, il doit être opéré afin de parvenir à la généralisation de la couverture médicale de base et réussir ce chantier initié par le Roi Mohammed VI.
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