Art & Culture
"L’automne des pommiers": Un hommage à Naïma El Mecherki et une réflexion sur l'héritage humain
03/12/2024 - 20:59
Jamal El KhanoussiC’est un film au destin singulier, où son parcours artistique reflète les imprévus de la vie humaine, tout comme ceux du cinéma. L’automne des pommiers, qui a remporté le Grand Prix au Festival National du Film à Tanger en mars 2020, au cœur de la tourmente mondiale causée par la pandémie, retrouve aujourd’hui sa juste place dans la 21e édition du Festival International du Film de Marrakech.
Cette projection n’est pas simplement un retour sous les projecteurs, mais une reconnaissance méritée de sa valeur artistique, le plaçant parmi les œuvres cinématographiques marocaines les plus marquantes.
Ce qui rend L’automne des pommiers si remarquable, c’est son rôle d’hommage profond à l’âme de la regrettée Naïma El Mecherki, l’une des figures majeures du cinéma marocain. Ce film constitue son ultime empreinte sur le grand écran. De plus, la narration maîtrisée, les images poétiques signées Mohamed Mouftakir, et les performances puissantes de Fatima Khair et Saâd Tsouli confèrent à ce long-métrage une indéniable qualité artistique.
L’histoire se déroule dans un petit village où la vie semble suivre le rythme des saisons, et où un vieux pommier devient le pivot de la narration, tissant des liens subtils entre les personnages et leurs destins. À travers des métaphores visuelles et symboliques raffinées, le film explore le cycle de la vie, les racines familiales et les secrets enfouis qui refont surface.
Les thèmes principaux du récit touchent à l’héritage, à la transmission des valeurs et des traumatismes, et à la réconciliation avec le passé. Le pommier, symbole à la fois de la terre fertile et de la mémoire collective, devient un puissant outil d’expression sur ce que chaque génération lègue à la suivante.
Le style de Mohamed Mouftakir se distingue par une réalisation poétique et émouvante. L’automne, avec ses couleurs chaudes et ses contrastes apaisants, crée une atmosphère mélancolique parfaitement en accord avec les thèmes du film. Une grande attention a été portée aux détails des décors et des costumes, ancrant le film dans la réalité marocaine tout en conservant une dimension onirique. Le pommier, presque une entité vivante, joue un rôle central dans le récit, avec une utilisation judicieuse de la lumière pour en faire un symbole tangible de la vie et de la mort.
Mouftakir manie la caméra avec un sens du lyrisme presque palpable, chaque plan étant soigneusement composé pour transmettre une émotion spécifique. La lumière naturelle domine, ajoutant une authenticité aux scènes, notamment celles tournées en extérieur au lever ou au coucher du soleil. Le rythme délibérément lent du film épouse la tonalité méditative qui en constitue l’essence.
Comparé à ses précédents longs-métrages, tels que Boraq (2010), son premier film qui a remporté plusieurs grands prix, et L’Orchestre des Aveugles (2015), ou encore ses courts-métrages comme L’Ombre de la Mort, La Danse du Fœtus et L’Hymne Funéraire, Mouftakir poursuit son exploration des mécanismes de la mémoire et de l’identité, mais cette fois avec une tonalité plus poétique et introspective.
L’automne des pommiers est un film qui exige une ouverture à une expérience cinématographique poétique. Une fois encore, Mohamed Mouftakir démontre son talent pour marier beauté et tragédie, à travers une exploration visuelle et thématique riche. Ce film ne séduira peut-être pas ceux en quête de sensations fortes ou de récits linéaires classiques, mais il saura récompenser les spectateurs prêts à se plonger dans la magie de l’automne et à déchiffrer ses métaphores subtiles. C’est une œuvre qui illustre la beauté d’un cinéma qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais invite à une véritable méditation sur l’existence et le temps.
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