Société
Aux sources de la pénurie des médicaments
25/01/2022 - 13:06
Aïcha DebouzaLe problème de pénurie des médicaments a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. Et avec la crise sanitaire due à la Covid-19, cette situation se fait ressentir plus davantage notamment sur les réseaux sociaux où des internautes conjuguent leurs efforts pour trouver un médicament "de première utilité", absent des tiroirs de l’officine de proximité.
Pour les pharmaciens, ces ruptures de stock sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus fréquentes et concernent plusieurs médicaments. Une prise de position qui s’oppose à celle du ministère de la Santé et de la protection sociale. Dans des communiqués diffusés récemment, ce dernier ne cesse de rassurer les citoyens arguant de l’existence de stocks de médicaments suffisants pour couvrir les besoins des Marocains pour les trois mois à venir. S’agit-il d’une divergence d’avis ? Que nenni.
Pas de pénurie de la molécule
"Ce que la plupart des gens ignorent, c’est qu’il n’y a pas de pénurie des médicaments, car il y en a assez au Maroc. C’est plutôt une pénurie de spécialités. Mais les gens confondent entre la spécialité et la molécule. Il n’y aura jamais de rupture de molécules et c’est le plus important, car c’est cette dernière qui traite et pas le princeps", explique Dr Mohamed Houbachi, président de l’Association marocaine du médicament générique (AMMG). En réalité, comme de nombreux pays à travers le monde, le Maroc a opté, depuis bien longtemps, pour l’utilisation des médicaments génériques.
Mais avant de détailler encore plus le sujet, qu’entend-on par un médicament générique ? Peut-on remplacer tous les médicaments par des produits thérapeutiques fabriqués localement sans aucune crainte ? Souvent à l’origine de préjugés négatifs et de méfiance chez les professionnels de santé, ainsi que les patients, les médicaments génériques sont des médicaments identiques ou équivalents à celui d’une marque déposée, appelée dans le langage technique, médicament princeps.
Les génériques sont donc vendus sous leur dénomination commune internationale (DCI), autrement dit le nom chimique de la substance, ou sous un nouveau nom commercial. En théorie, la posologie, les indications et contre-indications, les effets secondaires et les garanties d’innocuité sont les mêmes.
En revanche, un médicament dit princeps ou spécialité de référence est un médicament original protégé par brevet. C’est à partir de ce dernier que sont conçus les médicaments génériques. Il est composé d'un ou plusieurs principes actifs ou "substances actives", responsable(s) de son effet thérapeutique, ainsi que des excipients. En d’autres termes, spécialité ou générique, la molécule est la même. Les deux contiennent les mêmes principes actifs et agissent de la même manière, sauf que le générique a un avantage : il est généralement moins coûteux.
L’automédication, le hic des génériques
"L’automédication est une pratique très courante chez les citoyens marocains par rapport à d’autres pays. Ils ont tendance à se rendre chez les pharmaciens plus que chez le médecin pour une question de pouvoir d’achat", fait savoir le président de l’AMMG.
Au Maroc, il existe plus de 7.000 médicaments génériques disposant d’une autorisation de mise sur le marché. Le marché se caractérise par une explosion irrationnelle du nombre de génériques pour certaines spécialités largement consommées et rentables. La multiplication de ces génériques, sans avantages pour les patients, rend matériellement impossible pour les pharmaciens d’officine de détenir en stock toutes les références, pour des raisons d’espace, de coût et de risques de péremption. Selon le site officiel de la Direction du médicament et de la pharmacie il existerait au Maroc, 160 médicaments génériques du Paracetamol, 157 d’Amoxicilline, 157 de Ciprofloxacine, 114 d’Amlodipine, 103 de Fluconazole, 98 d’Omeprazole, 55 d’Esomeprazole …
Droit de substitution
"En plus du problème du manque d’information, un pharmacien ne pourra, par exemple, pas échanger une spécialité prescrite par un médecin par un générique sans avoir l’accord de ce dernier. Cela est interdit par la loi", souligne Dr Houbachi Mohamed. En effet, contrairement à d’autres pays à travers le monde tels que la France (pays où ce droit a été institutionnalisé depuis 1998), la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie n’autorise toujours pas le droit de substitution aux pharmaciens.
Ce droit est un acte pharmaceutique qui consiste à dispenser un générique ou un biosimilaire à la place d’un médicament princeps ou générique prescrit par un médecin. Il se veut surtout de réduire au maximum possible, le déficit de la sécurité sociale ainsi que de préserver l’accès au médicament, car les princeps risquent souvent des pénuries.
Par ailleurs, le manque d’affluence sur les médicaments génériques pousse, selon le président de l’AMMG, plusieurs génériqueurs à détruire les stocks de médicaments qu’ils produisent après expiration. Faute à une demande qui n’est pas en adéquation avec l’offre des laboratoires. Ce "gâchis" impacte la production locale de plusieurs laboratoires, qui préfèrent produire moins pour éviter à tout prix d’être déficitaires. Il s’agit, là encore, d’une autre explication des ruptures de stock.
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