Société
Peine capitale: vers un épuisement de la controverse… ou pas
03/04/2021 - 13:09
Imane BenichouAujourd'hui, cette question continue à être l’élément le plus sujet à controverse et fait toujours l'objet de débats entre les défenseurs de sa préservation et ses opposants.
C’est, en effet, le cas pour la dernière étude publiée par le Centre d’études en droits humains et démocratie et soutenue par le ministère d'Etat chargé des Droits de l'Homme et des relations avec le parlement dans le cadre d’un programme de coopération avec les associations de la société civile.
" Ne corresponds pas à l’orientation générale du Coran "
En Islam, la peine de mort est liée à quatre types de crimes, souligne l’étude qui précise que dans le cas du crime intentionnel, Dieu a donné aux familles des victimes la possibilité de pardonner au meurtrier. En principe, le pardon et la paix constituent la principale philosophie coranique. Le Coran considère le pardon comme une base dans la vie d'un musulman au sein de sa société, signale l'étude qui met en relief diverses citations coraniques.
"Il est plus approprié pour nous, en cette ère qui se soucie de respecter, de préserver et de faire progresser les droits humains, notamment le droit à la vie, de rejeter et d’abolir cette sanction cruelle et inhumaine, d’autant qu’elle ne correspond pas à l’orientation générale du Coran", souligne l’étude en parlant du cadre de la peine capitale dans les religions monothéistes.
Contacté par SNRTNews, Mustapha Benhamza président du Conseil local des oulémas à Oujda, a critiqué cette étude en soulignant qu’il s’agit d’une question méthodique qui n’est pas uniquement liée à la connaissance. "La méthodologie de cette étude est ce qui doit être corrigé", tranche-t-il.
"Une manipulation" de l’opinion publique
"Nous nous interrogeons sur les sources de la législation au sein de l’Islam. Le Coran et la Sunna sont égaux. Si nous réduisons la Sunna, tout changera dans la vie de l’être humain. Le Coran lui-même fait référence à la Sunna", déclare Benhamza avant d’ajouter : "C'est une sorte de manipulation, car il est nécessaire de chercher réponse dans le Coran et la Sunna".
Toutefois, Benhamza rappelle que le Coran évoque le "qisas" et qu’il stipule l’égalité entre les personnes dans le droit à la vie, "alors pourquoi un tueur devrait-il encore profiter de la vie ?", s’interroge-t-il.
Pour le président du conseil local des oulémas, le projet semble être faux. "Pouvons-nous défendre un homme qui a tué 180 femmes par exemple ? En le défendant, on en fait un héros. Les criminels doivent savoir que la réponse sera sévère".
"Ces personnes parlent dans des bureaux chaleureux, et non pas au nom de personnes qui ont été tuées, forcées à se déplacer ou sont devenues sans famille. Qu’un tueur ait le soutien et l'assistance de la société, il s’agit d’une erreur", affirme-t-il.
Moins de crimes passibles de la peine capitale
Le Maroc considère que le débat national sur la question de la peine de mort est toujours en cours. En participant le 21 septembre 2017, à la séance consacrée à l’adoption du rapport du groupe de travail sur l’Examen périodique universel (EPU), le Maroc a maintenu sa réserve sur l’abolition de la peine capitale.
Dans le rapport du Groupe de travail sur l’EPU, le royaume a affirmé le moratoire de fait sur la mise en œuvre de cette peine depuis 1993. Il a souligné qu’il se réfère aux réformes législatives qu'il a engagées et évoquées dans son rapport national et qui ont abouti à la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort et à la fixation des conditions pour prononcer cette peine.
Une information que précise aussi le ministère public dans son dernier rapport annuel de 2019 sur la mise en œuvre de la politique pénale et son fonctionnement. "Bien que la législation marocaine soit toujours classée parmi les législations qui conservent la peine de mort, les textes qui contiennent cette peine restent en nombre limité. Il ne dépasse pas 36 articles".
En effet, le code pénal contient 30 articles qui punissent des actes graves par la peine capitale. Le projet de nouveau code pénal prévoit de les réduire à 11. Le Dahir relatif à la répression des crimes contre la santé de la Nation contient un article. Tandis que 5 autres font partie maintenant de la loi relative à la justice militaire au lieu de 16 auparavant, détaille ledit rapport.
72 condamnés à mort en 2019
En 1993, date de la dernière exécution au Maroc, 197 personnes étaient condamnées à mort, contre 72 à fin 2019. Une baisse de 63,4% en 26 ans, rapporte le ministère public. Un recul principalement expliqué par le fait que la justice marocaine ne recourt pas à la condamnation par peine de mort sauf dans les cas graves qui ont un grand impact sur la stabilité sociale, tels que les crimes d'homicide volontaire contre des enfants ou le parricide, ou dans les cas associés à d'autres crimes, tels que le viol, l’homicide volontaire avec mutilations.
La condamnation la plus récente remonte à 2003, précise le rapport. Parmi les 72 condamnés à la peine capitale, 20 condamnés dans des affaires de terrorisme et 52 condamnés dans des affaires de droit public, dont une femme. Il a également été enregistré que 14 d'entre eux ont été jugé en première instance, 16 font l'objet d'un appel et 42 disposent d’un jugement définitif. Dans d’autres termes, 30 condamnés à mort ont encore la possibilité de modifier les décisions judiciaires.
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