Technologie
Réseaux sociaux: Avec l'abandon des outils de vérification, les fake news vivront-elles leur “âge d’or”?
13/01/2025 - 16:04
AFP
Mission quasi-impossible, le fact-checking (vérification des faits) sur les réseaux sociaux est un défi de plus en plus difficile que compliquent davantage la rapidité du flux des informations, notamment des fake news, sur ces réseaux et le développement des technologies de l’intelligence artificielle.
Après avoir détrôné les médias traditionnels de leur monopole sur les sources d’information, les plateformes sociales se retrouvent aujourd’hui face à un défi majeur: contrôler le flux des fake news qui affecte leur propre crédibilité.
Ces défis soulèvent des questions sur le rôle des réseaux sociaux dans la fabrication et la vérification des informations, particulièrement à la lumière de l'évolution effrénée de l'intelligence artificielle, qui suscite des questionnements sur les aspects moral, juridique et même cognitif de ce rôle.
Ces dernières années, certains réseaux sociaux, devenus de féroces concurrents des médias traditionnels allant jusqu’à menacer leur existence, ont développé des programmes de vérification de contenu en réponse à des critiques sur la crédibilité des informations qu’ils diffusent.
Au fil des années, cette fonctionnalité s’est développée en tant que bouclier contre le flux des fausses informations et des images truquées, qui affectent la manière dont les utilisateurs de ces réseaux reçoivent l’information.
Ces programmes revêtent une importance croissante en période de campagne électorale, où les informations précises sont plus importantes que jamais. Durant la pandémie de Covid-19, ils ont joué un rôle de premier plan, tant dans les médias traditionnels et que sur les plateformes sociales, dans la vérification des faits et la lutte contre la désinformation.
Cependant, la récente décision d’un certain nombre des médias sociaux d’annuler cette fonctionnalité, sous prétexte de préserver la liberté d’expression et de combattre la “censure” remet au devant de la scène la question du contrôle des contenus numériques afin de faire barrage aux fake news.
À l’instar du réseau X, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads) a annoncé la semaine dernière sa décision d’annuler, aux Etats-Unis dans un premier temps, la fonctionnalité du fact-checking.
En utilisant la vérification à travers les notes de la communauté, qui implique environ 80 organisations, Meta travaille avec des partenaires médiatiques depuis 2016 pour identifier, vérifier et évaluer les fausses informations qui circulent sur ses réseaux.
Les partenaires Meta vérifient la véracité des informations contre rémunération. Ces partenaires sont accrédités par l’International Fact-Checking Network, ce qui garantit le respect des standards de qualité en termes d’impartialité et d’indépendance. Les médias partenaires de Meta publient leurs articles sur leurs sites avant de saisir les URL dans l'interface de la plateforme.
Dans une déclaration de son PDG, Mark Zuckerberg, Meta a justifié la décision d'annuler le programme de fact-checking par le souci de promouvoir la liberté d'expression et de réduire les restrictions sur le contenu numérique.
Au lieu d’utiliser des modérateurs de contenu traditionnels, l’entreprise opte pour l’activation d’une fonctionnalité “notes de la communauté”, similaire au système utilisé par la plateforme X, laquelle fonctionnalité permet aux utilisateurs de fournir un contexte et d’inclure des notes liées à des publications controversées, sur une base volontaire.
Plusieurs études ont documenté les aspects positifs de ce système. De nombreux utilisateurs de médias sociaux considèrent les autres utilisateurs comme plus dignes de confiance que les vérificateurs de faits professionnels. Le contenu qui est identifié est également moins susceptible d’être repartagé.
D’autres recherches estiment en revanche que cette fonctionnalité ne peut pas remplacer les professionnels de la vérification des données.
Comme il faut du temps pour que les notes commentaires soient publiées au public, et parfois après que le contenu ait été largement partagé, il devient difficile de contenir les dommages causés par la promotion de fake news ou d’images truquées.
L'annonce de Meta intervient quelques jours avant l'investiture officielle de Donald Trump 47e président des États-Unis, prévue le 20 janvier, et fait suite aux critiques reprochant à la plateforme sociale son “impartialité” et sa “restriction sur la liberté d’expression”.
Le PDG de Meta a reconnu que le système de fact-checking, mis en place il y a des années, aurait été “politisé”, présentait de “nombreuses lacunes” et aurait “réduit la confiance au lieu de l’améliorer, en particulier aux États-Unis”. Zuckerberg a aussi affirmé la volonté de l’entreprise de “revenir aux racines, se concentrer sur la réduction des erreurs, la simplification des politiques et la restauration de la liberté d'expression sur les plateformes”.
En revanche Meta continuera à combattre, de manière agressive, les contenus liés à la drogue, au terrorisme et à l’exploitation des enfants, a-t-il assuré.
Réagissant à cette annonce, le président élu a salué la décision, affirmant qu'il y avait “probablement” contribué. Trump avait critiqué, à plusieurs reprises, la “censure” imposée par les réseaux sociaux, notamment lors des récentes élections américaines.
Le milliardaire Elon Musk, allié de Trump, a été le premier à adopter cette approche. Suite à son acquisition en 2022 de Twitter, renommé X, le propriétaire de Tesla et de SpaceX a réduit le nombre d’employés responsables de la politique de contenu et assoupli les restrictions sur le contenu.
La principale raison derrière la décision de Meta est le rythme croissant d’adoption de l’intelligence artificielle dans les plateformes sociales. Ces technologies permettent notamment de réduire les coûts en diminuant les effectifs du personnel chargé du fact-checking. Elles s’avèrent également nécessaires pour répondre aux critiques de “censure” des contenus.
De l’avis de nombreux observateurs, la décision des réseaux sociaux d’assouplir les restrictions sur les contenus reflète des “tendances nouvelles” dans le paysage politique et médiatique aux États-Unis, qui devront ouvrir la voie à une plus grande liberté d’expression.
Toutefois, cette mesure soulève des questions quant à l’avenir des "fake news" sur ces plateformes, et sur la manière de contenir les effets négatifs des contenus offensants sur les utilisateurs des réseaux sociaux.
Bouchra Azour

Articles en relations
Monde
Société
Société
Technologie