Société
Scolarisation des enfants en situation de handicap: le torchon brûle entre les associations et la tutelle
21/05/2021 - 16:10
Khaoula Benhaddou"Les associations qui œuvrent pour la prise en charge et la scolarisation des enfants en situation de handicap agonisent. Les 5.000 cadres n’ont toujours pas été payés pour les services rendus en 2020 et n’ont aucune visibilité sur ce qui va se passer en 2021. À part le paiement, ces personnes souffrent de problèmes administratifs qui entravent leur travail", martèle Ahmed Houate, militant associatif et coordinateur général de la Coalition des associations qui oeuvrent pour la scolarisation et la prise en charge des enfants en situation de handicap. Il rappelle qu’une grève nationale a été organisée le lundi 17 mai afin de dénoncer les problèmes dont souffre le secteur.
En plus du retard de paiement, le responsable pointe les dysfonctionnements qui entravent le bon fonctionnement des associations. "Ce secteur souffre de plusieurs problématiques. Nous luttons pour scolariser les enfants en situation de handicap et les prendre en charge dans les meilleures conditions, mais nous sommes lésés administrativement et financièrement", martèle le militant.
Les cadres en souffrance
Le responsable précise que 90% des cadres ne bénéficient d’aucune protection sociale sans oublier que le ministère ne paye que 10 mois de salaire sur les 12 mois de l'année. "Le ministère de la Solidarité ne paye que 11 mois pour les psychologues, les psychomotriciens et les formateurs... Les chauffeurs quand a eu ne sont pas payé pour le mois de juillet et août parce que les centres sont en vacances. C’est une violation grave du Code du travail qui menace la stabilité sociale des employés. Les autres prestataires comme les agents de sécurité, les accompagnatrices de bus scolaire et les femmes de ménage ne sont pas pris en charge sachant qu’ils jouent un rôle primordial dans l'accompagnement de cette catégorie d'enfants à besoins spécifiques", fait-il savoir. Et de poursuivre : "le budget alloué aux associations ne prend pas en charge l’eau, l’électricité, internet et d’autres charges courantes". Il précise aussi que les budgets alloués aux associations n’ont pas évolué au cours des dernières années, alors que les inscriptions des enfants ne cessent d'augmenter. "Pire encore, le montant accordé aux élèves baisse d’année en année. On est passé de 1.000 dirhams par enfant à 750 dirhams actuellement", fait-il remarquer.
Même son de cloche chez Lamia Mouhssine, militante associative et professeur en psychologie. "Nous travaillons dans des conditions difficiles. Le cahier de charges exige aux associations de recruter des professionnels qui ont au minimum BAC+5. Ces cadres doivent répondre à plusieurs critères avant d’être choisi et au moment du paiement, ils découvrent qu’ils ne seront pas payés sur les mois travaillés", note la psychologue.
Et d'ajouter : "On met ces cadres dans une situation d’instabilité financière sans oublier que le paiement n’est pas ponctuel. Ces conditions ont eu des conséquences directes sur la qualité des services rendus. Plusieurs associations ont été contraintes de réduire l’effectif et les salaires des cadres, sans oublier qu’un climat conflictuel s’est installé dernièrement quand certains fonctionnaires ont porté plainte contre les présidents des associations parce qu’ils n’ont pas été payés à temps".
En réponse à la grève organisée lundi, l’Entraide nationale a débloqué le budget réservés auxdites associations au titre de l'année 2020. Ce budget n'est pas encore versé aux associations. "Sous pression, l’Entraide nationale a débloqué le budget 2020, mais cela n’est pas suffisant. La tutelle doit assumer sa responsabilité et le cahier de charges doit être révisé", réclame Ahmad EL Houate qui précise que ces associations se contentent des aides de l'État étant donné qu'elles n’ont aucun autre revenu et ne peuvent bénéficier des aides étrangères.
Les explications du ministère de la Solidarité
Le cabinet de Jamila Moussali se dédouane de toute responsabilité dans ce dossier. Contacté par SNRTnews, une source au ministère précise que le versement des subventions se fait au niveau du ministère de l'Économie et des Finances. "Nous avons traité et validé les dossiers de subventions. Le paiement relève du ministère des Finances qui doit débloquer ce budget", explique notre source. Ce retard de paiement s'explique par "des procédures purement administratives qui ne sont pas gérées au niveau du ministère de la Solidarité". Et de préciser que cette subvention ne doit représenter qu'une partie du budget des associations. "Le cahier des charges est clair, les associations peuvent demander l’aide des organismes internationaux et des mécènes pour financer leur programme. L’aide du ministère ne peut pas couvrir l'ensemble des frais" explique notre interlocuteur qui rappelle que des audits sont régulièrement organisés pour contrôler les dépenses des associations et le degré de réalisation des objectifs.
Malgré les réponses du ministère, les associations ont fixé un délai de deux semaines pour le versement des subventions. Tout retard supplémentaire ne sera donc pas toléré. La coalition demande aussi la création d’une commission tripartite composée du ministère de la Solidarité, de l’Entraide nationale et des représentants des associations concernées. "Nous demandons des solutions pratiques dans les plus brefs délais. En absence de réponse, nous allons organiser un sit-in devant le ministère et nous allons même déposer les clés des centres. D’autres actions seront également prévues", annonce Ahmed El Houate avant de conclure : "Il s'agit là de l'avenir de 20.000 enfants en situation de handicap qui rêvent de poursuivre leurs études dans des conditions convenables".
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