Activités royales
Transformer la crise en une véritable opportunité: ce que propose Jouahri
31/07/2021 - 21:04
SNRTnews"Au total, la pandémie aura été un test réel de la résilience de notre pays et une évaluation de la pertinence de nos choix et de nos politiques. Comme toute crise d’envergure, elle constitue une opportunité pour la mise en œuvre des réformes nécessaires aussi difficiles pouvaient-elles paraître auparavant", a avancé Abdellatif Jouahri, le Wali de Bank Al-Maghrib, lors de la présentation, ce samedi, au Palais Royal de Fès, du rapport 2020 de la situation économique, monétaire et financière, à SM le Roi Mohammed VI. Le gouverneur de BAM estime aussi que la priorité à court terme devrait rester la consolidation et l’accélération de la reprise économique amorcée ces derniers mois. "Toutefois, les efforts devraient s'inscrire dans une perspective de moyen et long termes à même de rehausser la résilience de l’économie, améliorer sa compétitivité et la préparer à l’ère post-Covid", insiste-t-il. Et d’ajouter : "Il s’agit en parallèle de renforcer son caractère inclusif à travers en particulier la mise en place de filets sociaux, tout en veillant au rétablissement et à la préservation des équilibres macroéconomiques".
Relance économique: la confiance est à renforcer avec un secteur privé plus engagé
Dans cette lignée, il considère qu’après les mesures de soutien budgétaire et monétaire qui ont permis une atténuation de l’impact de la pandémie, la mise en œuvre du plan de relance de 120 milliards de dirhams lancé par Sa Majesté, conjuguée à l’assouplissement des restrictions, laisse espérer un rebond de l’activité et un rattrapage des revenus et des emplois concédés à la crise. Et à lui de poursuivre : "La concrétisation de cet objectif reste tributaire également, et dans une large mesure, du renforcement de la confiance des opérateurs et de la redynamisation de l’investissement privé". C’est ainsi qu’il fait allusion à l’impulsion attendue de l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement et d’un recours plus conséquent aux partenariats public-privé. "A plus long terme, les nombreux chantiers et réformes structurelles, dont plusieurs lancés suite à des orientations royales, constituent déjà les principaux axes d’une politique globale de croissance et de développement. De surcroît, certaines recommandations de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement, qui confortent les diagnostics établis par plusieurs institutions nationales et internationales, apportent un éclairage supplémentaire pour opérer les ajustements nécessaires à l’action publique", précise-t-il. Le grand défi aujourd’hui est de réussir leur mise en œuvre de façon harmonieuse et dans les délais prévus.
Réforme de l'éducation: lenteur du déploiement
Dans son rapport, il évoque aussi l’importance de la réforme du système éducatif, tout en insistant sur la lenteur de déploiement de la charte de l’éducation adoptée en 2015 et de la loi-cadre en 2019. "L’élaboration des textes d’application de cette loi accuse un retard conséquent et les conflits sociaux récurrents qui marquent le secteur de l’éducation témoignent d’un malaise qui n’est pas sans conséquence sur le rendement global de l’enseignement. Au moment où toutes les évaluations nationales et internationales rappellent les faiblesses de notre système éducatif et où les exigences du marché du travail se durcissent, la préparation de la main-d’œuvre qualifiée et de l’élite de demain devrait être érigée en priorité absolue", fait-il remarquer. Le chantier de la régionalisation avancée n’est pas en reste. Certes, des progrès notables ont été enregistrés avec l’adoption de la charte de la déconcentration administrative et l’élaboration des schémas directeurs de déconcentration des différents secteurs gouvernementaux. Seulement, "la mise en œuvre de manière harmonieuse de ces derniers constitue une étape délicate dont la concrétisation reste tributaire de la disponibilité de ressources humaines de haute qualité", relève Jouahri.
Réforme du secteur public: certains chantiers sont en retrait
S’agissant de la réforme globale du secteur public, elle "devrait se traduire, une fois achevée, par un rehaussement de l’efficience économique des établissements et entreprises publics, une plus grande efficacité de l’Administration ainsi qu’une meilleure qualité des services publics", poursuit-il. Il estime, dans ce sens, qu’au moment où certains des chantiers initiés dans ce cadre, tels que la simplification des procédures administratives, "progressent à des rythmes satisfaisants", d’autres d’envergure, par contre, comme les réformes de la fonction publique ou des EEP vont devoir requérir une plus grande attention pour les faire aboutir. "Il est impératif en particulier que la gouvernance de ces derniers, leur mode de gestion et la pertinence de leur choix soient soumis à des critères de rendement et de reddition des comptes bien plus exigeants qu’auparavant", recommande-t-il.
Tissu productif: beaucoup est à faire
Concernant la fragilité de notre tissu productif, Jouahri reconnait que des efforts importants ont été déployés ces dernières années pour atténuer certains facteurs freinant le développement des entreprises, essentiellement dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires. Il n’en demeure pas, "le renforcement de ce tissu requiert cependant la lutte contre un certain nombre de pratiques entravant le processus sain de destruction créatrice, avec des effets négatifs sur la compétitivité de l’économie nationale", préconise-t-il, en citant principalement la concurrence déloyale, l’évasion fiscale, le manque de transparence et les subventions économiquement et socialement non rentables souvent transformées en véritables niches de rente.
A ce titre, il avance que plusieurs chantiers lancés devraient permettre de progresser dans ce sens et méritent une attention particulière. "Il faudrait notamment veiller à l’application rigoureuse de la loi relative à l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption, récemment adoptée, et assurer la mobilisation des acteurs institutionnels, du secteur privé et de la société civile pour la déclinaison des objectifs de la Stratégie Nationale en la matière", propose Jouahri. De même, il assure que l’aboutissement du processus d’adoption de la nouvelle charte de l’investissement introduirait davantage d’efficience dans la subvention publique et renforcerait le rôle des régions en tant que pôles économiques.
Concernant, la situation du marché du travail, le wali de BAM estime qu’au-delà des stratégies de relance de l’emploi dont les résultats restent peu convaincants jusqu’à présent, elle appelle à une véritable refonte des lois et règlementations le régissant dont notamment le code du travail et la loi sur le droit de grève, réformes envisagées depuis plusieurs années déjà.
Généralisation de la protection sociale: de grands défis à relever
C’est dans ce sillage qu’il met l’accent sur le chantier de la généralisation de la protection sociale que Sa Majesté a annoncé dans son discours du Trône en 2020. Il avance que de par sa portée et ses effets prévus notamment sur les niveaux de vie, la cohésion sociale et l’intégration des activités informelles permettront au Maroc de réaliser un saut qualitatif en matière de développement humain mais également en termes de compétitivité et de croissance. Toutefois, son aboutissement reste, pour les autorités publiques et pour toutes les parties prenantes, un grand défi à relever. "Au vu du niveau du déficit social que Votre Majesté n’a pas manqué de mettre en exergue bien avant l’avènement de la pandémie et de l’insuffisance des infrastructures sanitaires, les ressources financières et humaines ainsi que la mobilisation qu’il requerra sont sans précèdent. A cela s’ajoute la complexité de sa mise en œuvre au regard de ses implications et de ses imbrications avec tous les volets de la politique publique", souligne-t-il. Selon Jouahri, les expériences vécues avec des chantiers de bien moindre envergure tels que la mise en place du RAMED, du registre social unifié ou encore de la réforme largement inachevée des caisses de retraites publiques "illustrent le niveau de difficulté auquel il faudrait s’attendre". Ceci avant de dire qu’il "est clair compte tenu de l’état des finances publiques que les ressources de l’Etat seraient largement insuffisantes pour assurer le financement de ce chantier, d’autant plus que l’endettement public a déjà atteint un niveau préoccupant».
L'émergence d'une élite est primordiale
Par la même occasion, le gouverneur de BAM met l’accent sur l’importance de l’émergence d’une élite capable de mener de façon simultanée autant de projets d’envergure et qui doit être dotée du leadership indispensable pour assurer la cohérence et la coordination des chantiers à l’œuvre. Et d’ajouter : "Comme l’a précisé Sa Majesté dans son discours du Trône de 2019, cette nouvelle étape nécessite «de nouvelles compétences aux différents postes et niveaux de responsabilité. Du sang neuf doit, donc, être apporté au sein des institutions et des instances politiques, économiques et administratives, y compris le gouvernement". Jouahri rappelle ainsi l’importance de la contribution effective de toutes les parties prenantes dans le cadre d’une gouvernance transparente qui consacre les principes de la méritocratie et de la reddition des comptes. Et ce avant de conclure que "notre pays aura ainsi réuni les conditions pour transformer la crise en une véritable opportunité en vue de réamorcer un départ sur des bases plus saines et plus solides qui lui permettront d’enclencher un nouvel élan et de placer l’économie nationale sur un sentier de croissance forte, durable et inclusive".
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