Sport
Vahid-FRMF: récit d'un divorce consommé, logique et tout aussi risqué
12/08/2022 - 17:00
Nassim El KerfLe divorce entre la Fédération royale marocaine de football et Vahid Halilhodzic a enfin été officialisé, après trois long mois de négociations, de critiques et de flou concernant l’avenir du sélectionneur national.
Pointé du doigt pour son manque de flexibilité, ses positions jugées "trop fermes" et son inégalable rigueur qui serait à l’origine de quelques conflits au sein du groupe, Vahid Halilhodzic ne finira pas l’aventure qu’il a commencée avec les Lions de l’Atlas, et sera privé de Coupe du Monde pour la 3e fois de sa carrière, après avoir réussi à qualifier la nation en question. La Côte d’Ivoire, le Japon et maintenant le Maroc, trois expériences différentes qui ont pourtant la même triste fin pour le technicien de 69 ans.
Sur un siège éjectable depuis la dernière Coupe d’Afrique des Nations et l’élimination contre l’Egypte en quart de finale de la compétition, sa sortie aura pu se faire plus tôt et plus calmement. Sauf qu’au Royaume, Coach Vahid ne s’est pas fait que des amis, et son caractère atypique y est forcément pour quelque chose, car lorsque Vahid cède, Halilhodzic tient le coup et fait l’autruche.
Vahid choisit, Halilhodzic assume
Bénéficiant d’une carte blanche depuis son arrivée en arrivée en août 2019 avec l’objectif de faire au moins aussi bien que Hervé Renard, le technicien bosniaque a réussi son pari, sans pour autant réussir à gagner la sympathie des Marocains, comme l’avait fait son prédécesseur.
Vahid arrive alors que des cadres comme Benatia, El Ahmadi et Boussoufa annoncent leurs retraites internationales. Le Bosniaque cherche une ossature et fait de Ziyech sa figure de proue. Il le défendra publiquement lorsqu’il se fera siffler à Marrakech lors du match amical contre le Burkina Faso, alors que la plaie du penalty raté contre le Bénin (CAN 2019) était encore ouverte. "C’est un gentil garçon, qui adore son pays, on ne siffle pas nos propres joueurs", estimait Vahid, quelques mois avant de le retirer définitivement de ses prochaines listes pour des problèmes disciplinaires.
Qu’est ce qui s’est passé réellement? Les versions fusent, mais rien ne fuite du groupe "très soudé" à quelques mois de la Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun. Une compétition où les choix du coach n’ont pas fait l’unanimité.
Le choix des hommes de Coach Vahid divise, et l’absence d’une direction technique en bonne et due forme qui pourra les discuter a placé le sélectionneur dans une position de "seul responsable". Il est donc logique, qu’il soit sous les feux des critiques après l’élimination contre l’Egypte surtout que les Lions semblaient les mieux armés de la compétition... individuellement. Vahid déjà seul contre tous.
La dernière (dernière) chance
Pas le temps de se consterner et regretter le sort des Lions de l’Atlas, qu’un autre important rendez-vous se profile. En mars, l’équipe nationale devait composter son ticket pour la Coupe du Monde 2022, face à la République démocratique du Congo à l’occasion des barrages de la zone Afrique.
A Kinshasa, les Lions ne passent pas loin du cataclysme. Une première mi-temps dominée par les Léopards qui marquent et manquent plusieurs occasions d’aggraver la marque. A quelques minutes, de la fin du match, Tarik Tissoudali qui était l’un des écartés des listes de Vahid avant la CAN lui sauve la mise et arrache le match nul (1-1). On se souvient d’un match long, pénible, sur une pelouse synthétique et devant une foule en délire qui espérait voir la RDC qualifiée pour la première fois au Mondial depuis plus de 40 ans.
Un match marqué par deux images, la joie de Tissoudali au moment du but, et la photo du président de la FRMF, Fouzi Lekjaa en tribunes tirant sur une cigarette, visage fermé. Déçu de la performance et inquiet, cette photo a fait le tour de la toile et un grand nombre de marocains s’y reconnaissent. Le match retour à Casablanca, quelques jours plus tard n’est qu’une suite logique. Accueilli par des sifflets des supporters, les lasers verts ne quitteront pas le visage du sélectionneur en guise de protestation, malgré une victoire 4-1 des siens. L’opinion publique avait dit son mot, Vahid out.
Concessions et clap de fin
Inquiet de sa position désormais fragile, le risque de louper une nouvelle Coupe du Monde avec une autre nation qu’il avait réussi à qualifier a même poussé Vahid à accepter de faire quelques concessions… du jamais vu dans sa carrière.
A quelques jours des matchs comptant pour les éliminatoires de la prochaine CAN en juin dernier, il décide d’accepter la grande réconciliation avec Hakim Ziyech et Noussair Mazraoui, malgré toutes les réticences du monde. Si le premier décline l’invitation, le second l’accepte avec le sourire. Assez pour changer l’avis de l’opinion publique qui continuait de faire pression? Pas du tout. Les Lions montrent un visage pâle, malgré deux victoires. Mais la déclaration de son capitaine, Saïss mécontent de l'état d'esprit des joueurs, et l'absence de Vahid en conférence de presse commencent à attiser les rumeurs...
Ce que Halilhodzic ignorait certainement, c'est qu'en acceptant ces concessions "pour les yeux du Mondial", il a porté préjudice à sa main de fer en perdant beaucoup de sa crédibilité.
Malheureusement, dans un monde aussi ingrat que celui du football, ce genre d’erreur coûte cher et baisser sa garde une petite seconde est synonyme de KO. Ouvrir aussi grand la porte à une réconciliation avec des joueurs qu’il a tant critiqués pour leur manque de discipline, c’est avouer à demi-mot son tort de ne pas les avoir inclus au groupe et ne pas avoir joué son rôle initial. Un rôle qui consiste à créer un climat sein, qui permettra à tous ses Marocains qui arrivent des quatre coins du monde de vivre ensemble dans les meilleures conditions et parler le même langage football.
C’est d’ailleurs ce que lui reproche directement son président et patron du football marocain, Fouzi Lekjaa, qui ne pointe en aucun cas les résultats sportifs du technicien. Il confiera dans des déclarations à divers médias qu’il n’est pas toujours d’accord avec les choix du sélectionneur à l’image des Marocains, il ira même confirmer que Ziyech sera bien présent au Mondial malgré la position ferme de Vahid. Un bras de fer qui ne durera pas longtemps, puisque l’histoire prend fin à 100 jours de la Coupe du Monde 2022, avec tous les risques que cela implique.
Ce qui est certain, c’est que le prochain sélectionneur devra être à l’origine d’un déclic psychologique qui rendra la joie de vivre à ce même groupe, et tenter de créer l’exploit dans un groupe composé de la Croatie vice-championne du monde, la Belgique 3e du dernier Mondial et le Canada, grande révélation de la zone CONCACAF… Et la suite de son histoire dépendra du visage montré par ses Lions.
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