Sport
Walid Regragui, de Lion à patron de la tanière
31/08/2022 - 21:53
Nassim El KerfNous sommes le 14 février 2004, et nous vivons l’un des jours les plus importants de l’histoire du football marocain. L’équipe nationale joue la finale de la Coupe d’Afrique des Nations à Tunis, face à une Tunisie pays hôte, galvanisée par la présence de son président et leader de l’époque, Zine El-Abidine Ben Ali. Avant le coup d’envoi, Ali Boumnijel, le gardien emblématique des Aigles de Carthage prend la parole pour appeler les supporters à se respecter. Du côté marocain, le capitaine d’alors Noureddine Naybet, taiseux dans les médias, passe son tour. Pour le remplacer?
Walid Regragui prend le micro pour s’adresser aux 60.000 supporters présents au stade de Radès, devançant des "anciens" comme Ouaddou et Khalid Fouhami.
L’âme de leader, Walid l’a toujours eu. Des années vont s’écouler après la déception de Radès, le latéral droit des Lions raccrochera les crampons en 2009, 10 ans après avoir commencé sa carrière professionnelle. Marqué par les grands entraîneurs qui l’ont coaché durant sa carrière, comme Rudi Garcia, Alain Giresse ou encore Rolland Courbis, c’est tout naturellement que le natif de Corbeil-Essonnes, la petite commune située à 30 km de Paris, s’intéresse au coaching et commence ses formations, sans pour autant manquer d’ambition. D’ailleurs, ses proches et son entourage ne le cachent pas, Walid a toujours rêvé de prendre en charge la sélection et c’est désormais une case cochée. Ce 31 août, l’homme de 46 ans est aux côtés de Fouzi Lekjaa, le patron du football marocain qui le présente Walid comme nouveau sélectionneur national.
"C’est un rêve qui se réalise, maintenant c’est à nous d’être à la hauteur de la confiance qui a été placée en nous et rendre fiers les marocains", a déclaré Walid par rapport à son ressenti avant de de développer un peu plus son projet avec les Lions.
Regragui leader, Walid gagneur et meneur d’hommes
Rêver de devenir sélectionneur national est autorisé pour toute personne qui passe ses premiers diplômes d’entraîneur. Mais réaliser ce rêve, huit ans seulement après ses grands débuts en tant qu’entraîneur principal et professionnel, c’est un exploit dont seul Regragui détient le secret.
Pour y arriver, sa formule était simple… Gagner. Partout où il est passé, le technicien marocain a gagné au moins un titre. En 2014, lorsqu’il prend en charge une équipe du Fath Union Sport (FUS) qui avait lancé sa grande refonte, Regragui ne cache pas ses ambitions et vise les podiums. Doucement et surement, c’est bien sur ses principes qu’il bâtira un jeune groupe de joueurs qui remporteront en 2014 la Coupe du Trône et la Botola, deux saisons plus tard. Lors de ce passage, il dévoilera aux yeux du monde ses qualités de meneur d’hommes, capable de transformer "la seconde équipe de Rabat" qui a toujours vécu dans l’ombre d’un géant nommé AS FAR (plus titré et plus populaire ndlr), en une équipe de titres qui se réconciliera même avec ses supporters qui se faisaient de plus en plus rares dans les rues de la capitale… et peu importe comment l’homme s’exprime face aux médias. Parce que si les certains de nos confrères considèrent qu’il est arrogant, d’autres voient en lui un "bon client", loin de la langue de bois habituelle lors des conf’ football.
Il quittera le bercail, 6 saisons plus tard. Au moment opportun, il annonce à ses dirigeants que son projet à la tête du FUS s’essouffle et qu’il compte se lancer dans une nouvelle aventure. Il prendra les commandes d’Al Duhail, un nouveau club né de la fusion de Lekhwiya et El Jaish et qui a l’un des portes feuilles les mieux garnis du championnat qatari. Sous ses commandes, il aura des joueurs du calibre de Mario Mandzukic, finaliste du dernier Mondial en 2018 avec la Croatie ou encore Medhi Benatia qui avait pris le chemin du Golfe après un passage au plus haut niveau européen.
Arrivé en janvier 2020, il remportera le championnat qatari en août, devançant Al-Sadd, coaché par un certain Xavi Hernandez. Mais l’aventure tournera court. Malgré quelques bons résultats, une élimination en Ligue des Champions asiatique mettra un terme à son histoire avec Al Duhail.
Courtisé par plusieurs clubs, Walid choisira de rentrer au pays. Entraîneur passionné, pour le technicien le football a toujours rimé avec pression et passion. Il trouvera son bonheur à Casablanca pour cocher une autre case de ses "cases objectifs carrière". Être sur le banc d’un des géants casablancais, avec tout ce que cela implique, "Walid l’a toujours espéré au fond de lui" nous confie un proche du technicien. Il signera pour une saison au Wydad en août 2021 avec comme objectif principal… la Ligue des Champions.
L’art et la tanière
Avant même de succéder officiellement à Vahid Halilhodzic à la tête des Lions de l’Atlas en ce mois d’août 2022 (un mois qui réussit bien à Walid), Regragui a réussi à faire l’unanimité. Sa nomination au poste de sélectionneur était même devenue une demande populaire. Des plateaux TV aux terrasses de cafés en passant par les travées de la Fédération, son nom résonnait partout entre mai et juillet derniers. A juste titre, puisqu’il réussira avec le Wydad là où d’autres auraient jeté l’éponge. L’entraîneur avait trouvé la formule pour transformer un groupe décimé après le départ de Faouzi Benzarti, en une "famille" qui raflera la Botola et la Ligue des Champions et manquera à deux tirs aux buts près, la Coupe du Trône et un triplé historique.
Mais peu importe, parce qu’avec Walid, le Wydad avait réussi à accrocher une troisième étoile africaine à son maillot et égaliser le record du Raja, son éternel rival. Sous les commandes du même homme, cette équipe interdite de recrutement par la FIFA en hiver remportera le championnat marocain au mois de juin. Le tout, dans un contexte de pression jamais vu et jamais vécu par le technicien qui, malgré toutes les difficultés financières du club rouge la fin de saison dernière, réussira à trouver les mots pour fédérer ses hommes autour d’un objectif commun … rendre heureux les fidèles supporters du Wydad. Pour parvenir à ses fins, Regragui a fait éclore des profils comme Amine Farhane, il a redonné une nouvelle vie à des joueurs comme Zouheir El Moutaraji, le technicien a fait franchir un cap à Achraf Dari et Yahya Attiat-Allah pour en tirer le meilleur. Tout un art.
Un art qui lui permettra de retrouver la tanière. Celle des Lions de l’Atlas, qu’il a quitté en tant que joueur en juin 2009 après un match nul contre le Togo 0-0 avant de la retrouver en tant qu’adjoint de Rachid Taoussi entre 2012 et 2013. Loin d’être étranger à cette tanière, Regragui aura comme premier objectif de "redonner le sourire" à un groupe de joueurs talentueux qui perdait sa flamme lors des derniers rassemblements sous les commandes du bosniaque, à en croire le président de la FRMF, Fouzi Lekjaa.
En ligne de mire sur le moyen terme, la prochaine Coupe d’Afrique des Nations et la qualification au prochain Mondial 2026. Sur le court terme, Regragui s’est vu accordé un cadeau que nul marocain ne peut refuser… Un Mondial, dans moins de trois mois au Qatar. Reste désormais à savoir si cette fleur (pomme) n’est pas empoisonnée car comme le veut la "tradition" le tirage au sort n’a pas été clément avec le Maroc. Notre équipe nationale figure dans le groupe de la Belgique et de la Croatie, les deux nations qui ont partagé le podium du dernier Mondial avec la France sacrée championne du Monde en Russie, en plus du Canada révélation des qualifications de la zone CONCACAF. Un beau défi en perspective pour Walid, mais un défi qu’il a mérité à coup de titres remportés passionnément, à coup de causeries marquantes, de changements gagnants et de SIIIR SIIR SIIR.
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