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Zaha Hadid, l'architecte déconstructiviste qui s'est inspirée du Bouregrag
02/04/2021 - 10:55
Imane Benichou"Même petite fille, je voulais être architecte", répétait souvent l’architecte Zaha Hadid dans ses interviews. Figure de l’architecture déconstructiviste, l’architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid, née le 31 octobre 1950 à Bagdad, avait acquis une renommée internationale en 1983 en remportant le concours The Peak, d’un centre de loisirs et de détente à Hong Kong. Un gratte-ciel horizontal qui se déplace selon une diagonale dynamique, aux conceptions géométriques agressives caractérisées par un sentiment de fragmentation, d'instabilité et de mouvement.
"Zaha Hadid était une architecte très brillante qui a parcouru beaucoup de chemin, une architecte iraquienne qui a immigré en Grande-Bretagne où elle a fait carrière", témoigne à SNRTnews l’architecte marocain Ilyassa Mountassir. Travaillait dans un secteur largement dominé par les hommes, Zaha Hadid a su se démarquer par ses réalisations avant-gardistes. En 2004, elle est devenue la première femme à recevoir le prix Pritzker d'architecture.
Des débuts sur papier
Hadid a commencé ses études à l'Université américaine de Beyrouth, au Liban, où elle a obtenu une licence en mathématiques. En 1972, elle se rend à Londres pour étudier à l'Architectural Association, un centre de pensée architecturale progressiste des années 1970. En 1979, elle crée son propre cabinet à Londres, Zaha Hadid Architects (ZHA).
"Dès mes premiers jours d'études d'architecture à l'Architectural Association, j'ai toujours été intéressée par le concept de fragmentation et par les idées d'abstraction et d'explosion, où nous déconstruisions les idées de répétitivité et de production de masse", avait annoncé Zaha Hadid dans une interview accordée en 2015 à Designboom, un magazine Web quotidien couvrant les domaines du design industriel, de l'architecture et de l'art à l'échelle internationale. "Mon premier souvenir d'architecture, j'avais peut-être 6 ou 7 ans, est celui de ma tante qui construisait une maison à Mosul, dans le nord de l'Irak. L'architecte était un ami proche de mon père et il venait chez nous avec les dessins et les maquettes. Je me souviens avoir vu la maquette dans notre salon et je pense que cela a déclenché quelque chose, car j'étais complètement intrigué par cette maquette", racontait Hadid.
Elle affirmait que par la suite son travail a d'abord été influencé par les débuts de l'avant-garde russe, les peintures de László Moholy-Nagy, les sculptures de Naum Gabo, mais surtout par le travail de Kasimir Malevitch. "Il a été pour moi une influence précoce en tant que représentant de l'intersection de l'avant-garde moderne entre l'art et le design. Malevitch a découvert l'abstraction comme un principe expérimental qui peut propulser le travail créatif à des niveaux d'invention jamais atteints auparavant. Ce travail abstrait permet des niveaux de créativité beaucoup plus élevés", s’est-elle exprimée.
Cela dit, le projet de Hadid pour "The Peak" n'a jamais été réalisé, ainsi que la plupart de ses autres premiers projets, notamment le Kurfürstendamm à Berlin en 1986, le centre d'art et des médias de Düsseldorf en 1992 et l'opéra de Cardiff Bay en 1994 au Pays de Galles. Elle a ainsi commencé à être connue comme une "architecte d’image", ce qui signifie que ses projets étaient trop avant-gardistes pour être réellement construits. Une impression qui s'est accentuée lorsque ses projets magnifiquement rendus, souvent sous la forme de peintures colorées aux détails exquis, ont été exposés comme des œuvres d'art dans de grands musées, précise l'Encyclopædia Britannica, dont Hadid a été membre du comité consultatif de la rédaction en 2005 et 2006.
"Au début, personne n’a cru en ce qu’elle réalisait. On disait qu’elle était une architecte d’image, qui ne faisait que la production d’image, qu’elle n’était pas une architecte de réalisation. Cependant, Hadid était toujours futuriste. Déjà à l’époque, dans les années 80 elle concevait des projets avant-gardistes", raconte Moutassir.
Cette image a rapidement été remplacée par une réputation d'architecte de réalisation que Zaha Hadid a réellement consolidé en 2000. Son premier grand projet a été la caserne de pompiers Vitra. Construit entre 1989 et 1993 à Weil am Rhein, en Allemagne, la structure ressemble à un oiseau en vol, avec tous ses plans aux angles aigus. En 2000, elle réalise le nouveau centre d'art contemporain Lois & Richard Rosenthal à Cincinnati, dans l'Ohio. Ce centre de 7.900 mètres carrés, doté essentiellement d’une série verticale de cubes et de vides, était le premier musée américain conçu par une femme.
"C’est une architecte qui sort un peu du lot parce qu’elle a trouvé son style, même si je n’aime pas trop ce mot-là, son style à elle. Elle a suivi son coup de crayon et a choisi une architecture très dynamique, avant-gardiste et en avance par rapport à son temps. Elle n’a jamais changé son coup de crayon. C’est ce qu’elle faisait déjà depuis les années 80 et 90. Ses conceptions rappellent la vitesse, le temps dans laquelle on s’inscrit aujourd’hui, un temps où tout le monde est pressé", décrit Ilyassa Mountassir.
Des distinctions prestigieuses
En 2010, la conception audacieusement imaginative de Zaha Hadid pour le musée d'art contemporain et d'architecture MAXXI à Rome lui a valu le prix Stirling du Royal Institute of British Architects (RIBA), qui récompense le meilleur bâtiment réalisé par un architecte britannique au cours de l'année écoulée. L’année suivante, elle a remporté un deuxième prix Stirling pour une école secondaire de Londres, qu'elle a conçue pour l'Evelyn Grace Academy.
En 2014, le design fluide et ondulé du centre culturel Heydar Aliyev Center à Bakou, en Azerbaïdjan, a remporté le prix du Design de l'année du London Design Museum. Hadid a encore une fois été la première femme à obtenir ce prix.
Outre ces prix, elle a reçu de nombreuses récompenses, dont le prix Praemium Imperiale d'architecture de la Japan Art Association en 2009 et la Royal Gold Medal for Architecture en 2016. En 2012, elle a été nommée Dame Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique (DBE).
Le théâtre de Rabat, un projet "exceptionnel"
Sur les rives du fleuve Bouregreg, se construit toujours le premier et le dernier héritage en Afrique de l’architecte de renom Zaha Hadid. "Je suis ravie de construire le Grand Théâtre", avait déclaré Hadid lorsque le projet a été finalisé en 2010".
"Les traditions musicales uniques du Maroc et son histoire culturelle riche dans le domaine des arts du spectacle est réputée dans le monde entier", avait-elle annoncé. Aux lignes ondulées, aux courbes et aux formes fluides inspirées de la rivière du Bouregrag et des anciennes Médinas de Rabat et Salé, le Grand Théâtre de Rabat comprend une salle de théâtre de 1.800 places, un amphithéâtre en plein air de 7.000 places, une salle de théâtre plus petite, des espaces d'atelier et un restaurant à la vue panoramique.
"Son projet à Rabat se situe brillamment dans son contexte et dans son temps. Nous le voyons de partout, et surtout quand nous arrivons depuis Rabat, de Salé, depuis la voie qui longe le côté du palais et l’ancienne ambassade des Etats-Unis. C’est un projet que nous voyons en perspective. On dirait un OVNI, un objet volant non identifié, mais que je trouve exceptionnel parce qu’il est tellement avant-gardiste qu’il met complètement en valeur tout l’environnement du Bouregrag qu’on ne voyait pas avant. Nous voyons mieux maintenant les Oudayas et la Médina qui datent de plusieurs siècles", décrit à SNRTnews l’architecte marocain.
"C’est un projet qui a changé le paysage et qui l’a mis en valeur. Un projet urbain, ancré dans son temps et dans son contexte, qui va également changer les pratiques urbaines", ajoute encore Mountassir.
Zaha Hadid a enseigné l'architecture dans de nombreux endroits, notamment à l'Architectural Association, à l'université Harvard, à l'université de Chicago et à l'université Yale.
Elle est décédée le 31 mars 2016 à Miami (Floride) aux États-Unis, d'une crise cardiaque alors qu'elle était traitée pour une bronchite en 2016. Elle a laissé 36 projets inachevés, dont le Grand Théâtre de Rabat, le stade de la Coupe du monde 2022, la Maison du port d'Anvers (2016) et le King Abdullah Petroleum Studies and Research Center (2017) à Riyad, en Arabie saoudite.
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