Economie
Fettah Alaoui: "Face à de nouveaux défis, il est nécessaire d'ouvrir des fonds sur le plan social et économique"
19/11/2021 - 20:54
Imane BenichouInvitée de la 14e édition du Colloque international des finances publiques sous le thème «les grands défis des finances publiques du 21ème siècle», la ministre de l’Économie et des finances Nadia Fettah Alaoui a déclaré, dans son allocution, que les récentes crises mondiales de différentes natures, financières, écologiques, géopolitiques, énergétiques, et notamment celles engendrées par la Covid-19 ont particulièrement éprouver la capacité de résilience de nos systèmes économiques, financiers, sanitaires et de sécurité.
"Cette dernière crise que nous vivons toujours a mis en évidence de nouveaux enjeux. Des enjeux qui jusque-là n’ont pas eu l’attention qu’ils méritent et qui ne sont pas convenablement appréhendés par les indicateurs financiers et comptables", a-t-elle souligné, ajoutant que les pays qui jusque-là s’en sortent le mieux ne sont pas les plus développés ni les plus nantis, mais plutôt les sociétés où citoyens et opérateurs aussi bien publics que privés ont su faire preuve d’un esprit de solidarité et où les pouvoirs publics ont fait montre de réactivité, d’une capacité de prendre des décisions souveraines et à les faire respecter par tous. "Ce sont exactement ces aspects et ces qualités qui ont permis à notre pays de gérer cette crise mieux que beaucoup d’autres pays autrement plus développés", a-t-elle affirmé.
Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume du Maroc a, pour sa part, souligné que nous avons des réformes structurelles à mener et qui exigent de la volonté et du courage, des défis à relever en priorité en matière de financement des systèmes de santé et de retraite. Ainsi, la programmation budgétaire pluriannuelle reste cruciale, selon Bensouda. "Elle permet de déterminer des objectifs à réaliser, sur des périodes plus au moins longues et d’en évaluer les résultats obtenus".
Défis du 21e siècle
Pour la ministre des Finances, au cours de ce 21e siècle nous aurons à affronter de nouveaux défis, ou des défis nés assez récemment à l’échelle de l’histoire des sociétés, tels que ceux liés à la data, à l’IA, ceux qui afférent à la globalisation ou encore à la prééminence de l’économie de service. Nous aurons aussi à faire face à d’anciennes problématiques qui reviennent avec plus d’acuité, à savoir la croissance génératrice d’emploi, les changements climatiques, les flux migratoires, la prise en charge des personnes vulnérables ou en situation de handicap. "Face à ces défis, il est nécessaire d’ouvrir plusieurs fonds, notamment sur le plan social, sur le plan économique et enfin sur le plan du financement de l’action publique", a-t-elle commenté.
"Le Maroc des dernières décennies, a connu un véritable décentrage de ses politiques publiques au tour des questions sociales et du développement humain", a-t-elle noté, rappelant que le Royaume a lancé un ensemble de programmes, de projets et de plans à caractère social visant à élever le niveau de la société, de consolider les acquis, in fine de bâtir un meilleur avenir pour ses citoyens. "Le Maroc est en train de se dessiner les contours d’un tout nouveau contrat social en donnant corps aux dispositions de la constitution de 2011 qui consacre le droit d’accès aux soins à tous".
"Anticiper les défis de demain est aussi une manière de préserver les intérêts des générations futures qui seront nécessairement impactés par les choix et décisions que nous prenons aujourd’hui", a-t-elle finalement dit.
Pour le trésorier général du Royaume, deux défis sont prioritaires et "risquent de mettre à mal la soutenabilité des finances publiques du 21e", à savoir l’endettement et la mobilisation des ressources fiscales.
"Le recours à l’emprunt est devenu un acte de gestion normal dont les pays ne peuvent plus s’en passer. En principe, l’emprunt devrait être réservé essentiellement à l’investissement", a-t-il indiqué. Bensouda a par ailleurs précisé que la réduction de l’endettement public doit être inscrite parmi les priorités et nécessite une stratégie de désendettement à moyen et long terme basée sur l’assainissement des finances publiques, à travers la maîtrise des dépenses, la mobilisation du potentiel fiscal et le renoncement à toute baisse injustifiée des impôts.
Intervention de l’État
Nadia Fettah Alaoui a saisi l’occasion pour souligner le rôle économique de l’État, un rôle, qui selon elle, "n’est plus à démontrer, même dans les pays les plus libéraux". "L’État n’intervient-il pas à différentes occasions, ne serait-ce que d’une manière conjoncturelle, soit pour l’allocation des ressources, la redistribution des revenus ou encore pour la régulation et la stabilisation de la conjoncture", s’est-elle interrogée, ajoutant à ces trois fonctions économiques de l’État, "une fonction de veille stratégique ou d’intelligence économique", qui aura pour vocation de "faire sortir l’action de l’État d’une optique conjoncturelle vers une approche stratégique et long-termiste".
Pour sa part, Noureddine Bensouda a affirmé qu’en temps de crise, "tous les regards se tournent vers l’État, comme ultime rempart devant intervenir en vue de minimiser les impacts sur les entreprises et les ménages et de soutenir la croissance à travers des plans de relance".
"Le soutien de l’État est devenu urgent et nécessaire, même aux yeux des détracteurs de son interventionnisme. L’État est la solution", a-t-il annoncé. "Mais avec une grande nuance : c’est l’État et le marché, c’est le public et le privé".
Il a en outre précisé qu’il s’agit d’un modèle politique nouveau où "une complémentarité est recherchée entre les analyses keynésiennes et les modèles libéraux classiques", d’une "intelligence collective fondée sur la confiance et le respect mutuel clairement mis en perspective par la Commission spéciale sur le modèle de développement qui définit le rôle de chaque partie prenante". Il a ainsi assuré que le secteur privé se doit d’être davantage responsable et entreprenant, de participer à l’effort d’inclusion et de protection sociale et que le secteur public doit continuer à jouer un rôle essentiel pour renforcer la compétitivité nationale et stimuler l’initiative privée, soutenir le dynamisme économique, à travers la production de biens communs et la régulation des marchés, etc.
Bensouda a ensuite rappelé que le livre blanc de la Confédération générale des entreprises du Maroc appelle au renforcement d’un Etat régulateur et planificateur. "La convergence entre l’Etat et le secteur privé étant actée, le vrai défi aujourd’hui est de passer à l’action et de faire en sorte qu’elle reflète fidèlement le discours", a-t-il encore dit.
Il convient de noter que ce colloque, qui se tient les 19 et 20 novembre 2021 est organisé par le ministère de l’Economie et des finances, en partenariat avec l’Association pour la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP) et avec le soutien de la Revue française de finances publiques (RFFP), au siège de la Trésorerie générale du Royaume.
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