Société
Saint-Valentin: pourquoi les Marocains n'expriment pas leurs sentiments amoureux?
14/02/2022 - 19:03
Khaoula BenhaddouLe 14 février est un événement très attendu par les amoureux. Durant cette journée, parfumeries, chocolatiers, bijoutiers et fleuristes essaient de liquider leurs stocks et booster leurs chiffres d’affaires.
A part les cadeaux, les amoureux se donnent rendez-vous dans des restaurants et d’autres réservent un week-end en tête à tête.
Dire je t’aime à la marocaine !
Si la Saint-Valentin est une occasion pour exprimer l’amour, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple au Maroc. La société marocaine tolère mal ce sentiment qu’elle juge aussi tabou que le sexe comme l’explique le sociologue Mohcine Benzakour. "L’amour est un sujet complexe qui reflète quelque part cette problématique du tabou. Quand il s’agit d’une relation amoureuse ou sexuelle, nous avons tendance à camoufler les sentiments ou de ne pas les nommer", explique le sociologue avant d’ajouter: "en exprimant son amour à sa femme, un marocain ne dit pas «Kanhebbek» mais «Kanbghik» qui veut dire en dialecte marocain, j’ai envie de toi. Par contre, le sentiment d’amour est un sentiment beaucoup plus complexe".
Pour le spécialiste, le Marocain n’a pas appris à exprimer ses sentiments et donc ne peut rien transmettre aux enfants. "Dans la majorité des familles marocaines, on ne donne pas à nos enfants la possibilité d'exprimer leurs sentiments, ni leurs émotions. C’est valable pour l’amour, pour la peur, pour l’anxiété, pour la tristesse, la colère...il y a un vrai manque culturel en matière d’émotions et d’intelligence émotionnelle", souligne Mohcine Benzakour.
Au Maroc, les parents cachent leurs sentiments devant leurs enfants. Cet amour est souvent exprimé par les gestes et rarement pas la parole. "Pour montrer son amour, mon papa achète les fruits préférés de ma maman, ne mange pas avant qu’elle ne soit attablée et l’appelle plusieurs fois par jour pour apprendre de ses nouvelles. Ma mère, elle, est toujours aux petits soins, elle lui prépare ses plats avec amour et lui donne le meilleur morceau du gâteau sans prononcer un seul mot d’amour", témoigne Sara.
L’amour est toléré dans les unions libres !
Pour Mohcine Benzakour, le Marocain se permet tout dans une relation dite libre. "Quand il sort avec une fille, le jeune homme peut se permettre de lui tenir la main dans la rue, de lui tirer la chaise au restaurant, de lui offrir des fleurs mais il fera rarement cela avec son épouse encore moins en présence des enfants sous prétexte de Hchouma".
Avec le temps, cette «hchouma» va se développer chez l’enfant qui aura du mal à exprimer ses sentiments à l’adolescence et à l’âge adulte. "L’adolescent va chercher à apprendre l’amour et la sexualité dans les films, les chansons et dans les réseaux sociaux. D’autres vont taire leur sentiment et s’adonner à des pratiques comme la masturbation ou l’addiction aux films pornographiques qui ne reflètent aucunement la réalité", explique le sociologue.
Pourquoi ça persiste?
Pour améliorer la relation du Marocain avec le sexe opposé, le sociologue appelle à l’instauration des cours d’éducation sexuelle à l’école et à libérer les discours dans les médias. "On ne peut pas se voiler la face, les enfants et les adolescents ont accès aux réseaux sociaux. Tous les jours, ils voient des couples s’en lasser, s’embrasser et exprimer leur amour alors qu’il n’a pas eu l’habitude de le voir chez lui, cela peut lui créer un sérieux trouble", avant d’ajouter: "le marocain doit avant tout apprendre à créer le couple et comprendre ce que c’est l’amour. A l’école, nous devons instaurer des cours d’éducation sexuelle sans oublier le rôle important des médias dans la présentation d’un contenu adapté à la future génération", conclut le spécialiste.
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