Politique
Le PPS veut interdire le mariage des mineurs
28/01/2021 - 11:34
Imane BenichouUne proposition de loi pour amendement des articles 20, 21 et 22 de la loi n ° 70.03 du code de la famille a été présentée, mercredi 20 janvier 2021, par Fatima Zahra Barassat, membre du Groupement parlementaire du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) devant la Commission de Justice, de législation et des droits de l'homme de la Chambre des représentants. Objectif : interdire le mariage des enfants.
En effet, l’article 19 du code de la famille fixe à 18 ans révolus l’âge légal du mariage. Il stipule que «l’aptitude au mariage s’acquiert pour l’homme et pour la femme jouissant de leurs facultés mentales, à 18 ans grégoriens révolus». Toutefois, des cas exceptionnels peuvent être soumis à l’appréciation du juge puisque une dispense d’âge est prévue par l’article 20.
Ledit article précise que «le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité prévu, à savoir 18 ans, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage, après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale».
Une réforme "insuffisante, mais… nécessaire"
Le Groupement parlementaire du PPS n'y va pas par quatre chemins. Il faut déclarer explicitement que l’âge de la capacité au mariage est de 18 ans révolus et supprimer "l'exception devenue la règle", en révisant les articles 20, 21 et 22 du Code de la famille conformément aux exigences de la constitution de 2011 et des accords internationaux ratifiés par le Maroc. Le Parti considère cette révision des textes comme «un point de départ essentiel pour mettre fin au mariage des mineures, pour l'intérêt supérieur de l'enfant».
« L’approche juridique à elle seule reste insuffisante, mais elle est nécessaire, et elle nécessite des efforts concertés pour mettre fin à ce phénomène qui sévit dans la société », précise le PPS dans sa proposition de loi, tout en évoquant les dimensions économiques, sociales et psychologiques de ce phénomène.
Lors de son allocution devant la Commission de Justice, de législation et des droits de l'homme, la députée Barassat a affirmé que son groupe considère que « l’heure est venu de mettre fin à l'injustice pratiquée par la loi, de mettre un terme à la violation des droits des femmes et des enfants en vertu du Code de la famille ».
Contactée par SNRT News, la députée PPS Touria Skalli assure que « supprimer le mariage des mineures dans la loi ne peut qu’être un signal fort pour que les femmes de toutes les classes sociales participent pleinement au développement social et économique de notre pays ». « Nous n’acceptons pas qu’au 21e siècle, nous marions encore des enfants soit par la force en obéissance aux parents, soit par des idées conservatrices d’un autre temps. On ne peut plus voir la jeune fille comme une charge à placer rapidement sous la roulette d’un homme qui en fera ce qu'il veut », proteste-t-elle. « Nous souhaitons que la majorité accepte déjà de discuter cette proposition et bien sûre de la voter », insiste députée Skalli.
85% des demandes acceptées !
Les chiffres concernant le mariage des mineurs sont effrayants. En 2019, le ministère de l'intérieur faisait état de 25.514 actes de mariage de mineurs recensés en 2018, soit 9% du nombre total de mariages conclus durant l’année. Des 32.104 demandes de mariage d’enfants qui ont été déposées au cours de cette même année, 85% ont été acceptées. Sur la période 2011-2018. 94,8% du total de ces unions impliquant des mineurs concernent les filles. La décennie ayant suivie l’adoption du Code de la Famille a connu une multiplication par deux des mariages en dessous de l’âge légal, passant de 7% en 2004 à près de 12% en 2013, selon le Recensement général de la population effectué par le Haut-Commissariat au Plan en 2014.« C'est un nombre affolant que plus de 25.000 petites filles ont été mariées alors que le mariage précoce va les priver de terminer leur scolarité, de construire une vie équilibrée au sein d’un foyer où les deux parents sont majeurs et responsables », s’exprime Skalli.
La députée précise qu’interdire le mariage des mineures servira également à « éviter les relations sexuelles subies à un âge précoce, des grossesses non désirées et une mortalité maternelle qui peut être lourde à un âge très précoce, de temps qu’il faut harmoniser le code de la famille avec la constitution qui protège l’enfance et avec les conventions nationales que notre pays a ratifiées ».
En 2018, la nouvelle loi 103-13 sur les violences à l’égard des femmes incrimine de nouvelles infractions, telles que le fait de forcer une autre personne à contracter un mariage en utilisant des violences ou des menaces. Le coupable d'un tel acte est puni d’une peine d’emprisonnement, qui se trouve aggravée si l’infraction est commise contre un(e) mineur(e).
Le 29 mars 2018, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère public, Mohammed Abdennabaoui, avait adressé une circulaire à l’attention des avocats, des procureurs généraux du Roi et des magistrats du Ministère public concernés, les incitant «à ne pas hésiter à s’opposer à toute demande de mariage ne tenant pas compte des intérêts du mineur».
Ladite circulaire considère le mariage des mineurs comme une violation des droits de l’enfant. Le président du parquet y cite pour référence l’article 32 de la Constitution et les articles 3 et 54 du code de la famille, tout en mentionnant les engagements pris par le Maroc dans le cadre des conventions internationales. Mohammed Abdennabaoui avait alors exigé qu’il lui soit soumis tous les trois mois des rapports comportant les statistiques des demandes de mariage des mineurs.
Articles en relations
Société