Art & Culture
Mélita Toscan Du Plantier : Le FIFM jouit d’une grande crédibilité à l’international
22/11/2024 - 13:04
Mohammed Fizazi
Dans cet entretien avec SNRTnews, Mélita Toscan Du Plantier, directrice et conseillère du Président de la Fondation du Festival International du Film de Marrakech, revient sur les ambitions, les innovations et les grandes figures qui marqueront la 21ᵉ édition de cet événement prestigieux.
Entre nouveautés audacieuses, initiatives pour les talents émergents et échanges enrichissants avec des icônes du cinéma comme Tim Burton et Alfonso Cuarón, elle souligne la position incontournable du festival sur la scène internationale tout en réaffirmant son engagement envers l'accessibilité et la découverte.
Y a-t-il des nouveautés majeures lors de cette 21ᵉ édition du Festival International du Film de Marrakech?
Il y a un certain nombre de nouveautés majeures cette année, que nous sommes ravis de proposer aux festivaliers, qu’ils soient professionnels, cinéphiles ou simples amateurs de cinéma. Le Festival s’ouvre davantage sur la ville avec un nouveau dispositif sur M Avenue, où plusieurs animations sont prévues à destination du grand public et des cinéphiles. Pour la première fois, le programme "Conversations" sera organisé au sein du complexe culturel Meydene. Ce qui permettra à davantage de festivaliers d’aller à la rencontre des grands noms du cinéma mondial qui vont y participer.
Ce programme va monter en puissance cette année puisque nous proposons 15 conversations, au lieu de 10 l’année dernière. Tim Burton, Alfonso Cuarón, Justine Triet et Ava DuVernay sont quelques-unes des 18 personnalités d’exception qui prendront part à ce programme, qui accueillera aussi une conversation croisée entre 4 jeunes cinéastes marocains autour de leurs premiers films.
Nous inaugurons aussi un nouveau format de conversation autour d’un film: Monica Bellucci sera présente au musée Yves Saint Laurent pour échanger avec le public autour du documentaire "Maria Callas Monica Bellucci: Une rencontre".
Pour la première fois également, les Ateliers de l’Atlas (programme de développement de talents du Festival) vont accueillir un parrain prestigieux, le réalisateur américain Jeff Nichols, qui s’est fait connaître grâce à des films comme Take Shelter avec Jessica Chastain, ou Mud avec Matthew McConaughey. Les Ateliers vont durer une journée supplémentaire cette année pour permettre d’explorer davantage de domaines artistiques et professionnels. Un nouveau programme, Atlas Station, sera lancé pour accompagner 10 jeunes producteurs et réalisateurs marocains désireux d’améliorer leurs compétences pour s’ouvrir à l’international. Il y aura également une journée d’échanges autour de la distribution.
Enfin, après l’atelier d’initiation et de perfectionnement à la critique de cinéma qui s’est tenu avec 15 journalistes en juillet dernier à Casablanca, nous réitérons l’expérience pendant le Festival, avec cette fois-ci, 15 étudiants en journalisme et cinéma.
Après deux décennies de FIFM, comment évaluez-vous l’importance du festival et sa place au niveau mondial?
Dès ses débuts, le Festival de Marrakech a attiré des personnalités de premier plan du cinéma. C’est quelque chose d’assez exceptionnel dans le paysage festivalier mondial, et encore davantage dans la région. Au fil des ans, le Festival s’est développé et a mis en place un certain nombre d’initiatives, comme les Ateliers de l’Atlas, son événement dédié à l’industrie, qui sont venues donner encore plus de sens et de profondeur à sa démarche.
C’est un festival qui jouit d’une grande crédibilité à l’international, grâce à la qualité de sa programmation et de son organisation, mais aussi au niveau des personnalités qui y participent chaque année ainsi qu’aux Ateliers de l’Atlas, qui attirent 300 professionnels en provenance du monde entier à chaque nouvelle édition.
Le Festival de Marrakech est aujourd’hui un rendez-vous incontournable pour les professionnels et les médias internationaux, qui sont ravis de venir passer quelques jours dans cette merveilleuse ville de Marrakech, pour découvrir des films, assister aux Conversations et prendre part à des événements professionnels.
Cette année, la section "Conversation" accueille des figures emblématiques comme Tim Burton, dont l’univers visuel a marqué des générations, Alfonso Cuarón, maître de la narration immersive, et Sean Penn, figure iconique du cinéma engagé... Qu’est-ce qui a motivé le choix de ces artistes pour cette édition?
Chaque année, nous établissons une "wish list" des personnalités que nous aimerions voir participer aux Conversations. C’est une liste qui est dictée par un seul mot d’ordre: l’excellence de leur parcours! Nous contactons ensuite ces personnalités pour les inviter à Marrakech et nous avons souvent des réponses très enthousiastes. Mais, vous savez, ces personnalités, malgré qu’elles aient très envie de venir, ont parfois des emplois du temps très chargés, entre les tournages, les périodes de promotion de leurs films ou les obligations familiales… donc on doit composer avec leurs disponibilités.
Cette année, nous avons la chance d’avoir un line up extraordinaire dont nous sommes très fiers! C’est rare de voir alignés autant de noms prestigieux dans un même programme.
Ces rencontres offrent une opportunité unique d’explorer la vision et le parcours de ces grandes figures du cinéma. Qu’espérez-vous que le public marocain et international retiendra de ces échanges ?
Ces moments d’échanges sont un régal pour les cinéphiles. Lorsque j’assiste à ces conversations, je suis toujours émue de voir un jeune étudiant prendre le micro et questionner son réalisateur préféré sur sa pratique du métier. Pour quelqu’un qui débute et qui cherche sa voie, ce sont des moments très précieux où il va pouvoir bénéficier du savoir et de l’expérience de quelqu’un qui a réussi au plus haut niveau. C’est très inspirant …
Pour les cinéphiles plus âgés, c’est aussi l’occasion d’échanger avec des artistes qu’ils admirent sur leurs choix de mise en scène, d’écriture et de jeu. Je suis toujours épatée par l’intelligence et la sensibilité des échanges qui peuvent avoir lieu dans ces moments-là. C’est extrêmement enrichissant…
Quels efforts ou collaborations spécifiques ont permis de réunir ces talents de renommée mondiale cette année?
C’est un travail de longue haleine qui nécessite beaucoup de patience et des connaissances solides dans ces milieux. Au fil des ans, nous avons tissé des relations de confiance et d’amitié avec les personnalités qui sont venues au Festival. Celles-ci deviennent en quelque sorte nos ambassadeurs et je contacte souvent, à travers elles, les nouveaux noms qui nous intéressent. C’est un travail qui dure toute l’année et qui nécessite de beaucoup voyager pour aller à leur rencontre et les convaincre de venir à Marrakech.
Quels sont vos ambitions pour les futures éditions du FIFM?
Que le Festival continue d’être apprécié comme un rendez-vous majeur sur l’échiquier mondial! Nous avons toujours été guidés par une grande ambition pour ce projet, qui n’a cessé de se remettre en question et de prendre de l’ampleur. À l’avenir, le Festival continuera de révéler des jeunes auteurs, de mettre en avant des œuvres de qualité, de contribuer au développement de l’industrie cinématographique nationale et régionale, tout en célébrant les grands noms du cinéma mondial. Les Ateliers de l’Atlas, qui connaissent déjà un succès considérable, seront certainement amenés à jouer un rôle encore plus important, à travers le développement de nouveaux programmes.
Enfin, dans le futur, nous souhaitons voir s’agrandir le public du Festival, d’où notamment l’extension à M Avenue cette année.
Selon vous, en quoi le festival se distingue-t-il des autres festivals de cinéma mondiaux?
Le Festival de Marrakech se distingue par une compétition dédiée à la découverte de jeunes auteurs qui font un premier ou deuxième film. En exposant ces œuvres à des jurys prestigieux, le Festival crée la rencontre unique entre les cinéastes débutants et les grands noms du cinéma mondial. L’image qui me vient à l’esprit pour illustrer ce propos, c’est Asmae El Moudir qui reçoit des mains de Jessica Chastain l’Étoile d’or de la 20e édition. C’est une rencontre inouïe entre une jeune réalisatrice marocaine qui débute et l’une des plus grandes stars hollywoodiennes, lauréate d’un Oscar. C’est un coup de projecteur extraordinaire pour le film d’Asmae car cette image a fait le tour du monde.
Les Ateliers de l’Atlas sont aussi un endroit de découverte puisqu’ils sont dédiés aux cinéastes marocains, arabes et africains qui font un premier, deuxième ou troisième long métrage.
Je n’ai pas d’exemple en tête de festival aussi centré sur la jeunesse et la découverte et qui réunit en même temps le gotha du cinéma mondial.
Comment le festival parvient-il à maintenir son attractivité auprès des grandes figures du cinéma tout en restant accessible au grand public?
Par l’exigence de ses choix et la qualité de sa programmation. Nous ne nous reposons jamais sur nos lauriers. Chaque année est un défi renouvelé pour montrer le meilleur du cinéma contemporain, mettre en lumière les enjeux de l’époque et offrir au public, aux médias et aux professionnels, des instants de magie, des rencontres inoubliables et des opportunités qui vont servir leurs carrières et plus largement, le développement de l’industrie cinématographique.
Les grandes personnalités que nous recevons chaque année savent que nous célébrons le cinéma dans toutes ses composantes avec beaucoup de respect et une grande passion, dans l’écrin magnifique de Marrakech.

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