Economie
Pénurie mondiale de l'huile de table: que risque le Maroc?
06/05/2022 - 13:13
Aïcha DebouzaC’est presque devenu une denrée rare. L’huile de table, très convoitée pour les recettes marocaines et autres qui en nécessitent abondamment, voit ses prix s’envoler dans le Royaume. Et dans un pays qui consomme quelque 600.000 tonnes d’huile végétale par an, et qui n’en produit que 1,3%, l’avenir de cette huile inquiète les ménages marocains. En 2020/2021 par exemple, le Royaume a importé 450.000 tonnes d’huile de soja faisant de lui le 7e importateur mondial, selon les chiffres du Département américain de l’agriculture (USDA).
Une situation qui dépasse les frontières
Et cette problématique ne touche pas uniquement le Maroc. En effet, l’huile de tournesol manque à l’appel dans les rayons de condiments des supermarchés français. Avec 50 % des exportations mondiales, l’Ukraine en est le 1er exportateur. La guerre qui s’y déroule rend difficiles les échanges commerciaux entre les pays et provoque cette raréfaction, voire une augmentation des prix de certains produits. De plus, le prix moins élevé de ce produit par rapport à ses concurrents en fait une huile très utilisée, notamment par les personnes en manque de moyens de se procurer l’huile d’olive.
De peur d'en manquer, les consommateurs français se ruent sur les précieuses bouteilles, dont le prix avoisine désormais celui de l’huile d’olive. Ceci a provoqué une pénurie dans ce pays européen voisin. De son côté, la Russie, qui exporte 28% de l’huile de tournesol mondiale, vient d’introduire un quota pour les ventes à l’étranger de ce précieux liquide, après avoir augmenté au début d’avril de 20% les taxes à l’exportation.
Cependant, le Maroc bien qu’il ne déroge pas à la règle et donc aux effets de la guerre en Ukraine, semble être sur ses gardes lorsqu’il s’agit d’assurer la disponibilité de ladite huile pour l’année 2022. "Le Maroc n’a pas échappé à la hausse des prix des huiles de table qui est fortement liée à la conjoncture mondiale. Quoique, faut-il le rappeler, les producteurs nationaux ont repoussé au maximum cet impact sur les prix des huiles de table pratiqués sur le marché national. Les acteurs du secteur tiennent aussi à assurer un meilleur approvisionnement du marché et à répondre au mieux à la demande nationale qui ne cesse de croître depuis plus d’une décennie", explique une source bien informée préférant garder l'anonymat. Elle fait savoir que le Maroc est un pays qui est historiquement consommateur majoritairement d’huile de soja. Il a été approvisionné par plusieurs pays producteurs de soja tels que l’Amérique latine, les États-Unis ou encore l’Europe. "Quant à la situation actuelle, elle ne pose pas de problème de disponibilité de soja pour le Maroc, mais elle se voit tout de même tendue sur le tournesol", souligne-t-elle.
Un ensemble de facteurs
Pour notre source, la demande mondiale n’a jamais été aussi forte. Car n’oublions pas qu’en plus du choc financier lié au conflit russo-ukrainien qui a durement touché les approvisionnements, "depuis le déclenchement de la pandémie en mars 2020 jusqu'à fin 2021, le marché a été fortement impacté par la hausse des cours des matières premières, notamment le soja", détaille-t-elle. Selon cette dernière, ce renchérissement découlait principalement du changement climatique dans le monde, avec une météo très particulièrement défavorable dans plusieurs régions productrices des graines oléagineuses, ainsi que de la reprise économique dans certains pays développés soumis à la réglementation des biocarburants. Ceci explique la hausse du prix des graines en 2020 et 2021.
"Il y a aussi, le cours de l’huile de palme brute, qui a affiché une hausse importante liée à la situation climatique de l’Asie du Sud-Est en 2021, de sorte qu’un certain nombre de pays dont l’Inde qui étaient de grands consommateurs de l’huile de palme et qui se sont redirigé vers le soja", relate notre source. Elle ajoute que ce revirement de la demande a engendré un renchérissement de la matière première qui a atteint 1.800 dollars la tonne, alors qu’il y a moins de deux ans, elle était à 700 dollars la tonne. Selon ses dires, la guerre en Ukraine est venue peser encore plus sur la situation mondiale. Le pays est le principal producteur européen d’huile de tournesol, ce qui a poussé vers une flambée de l’huile végétale combinée à moins de disponibilités mondiales. "Ceci, sans oublier la flambée du prix du pétrole, qui a induit vers le doublement voir le triplement des coûts logistiques et du fret maritime dans le monde entier", dit-elle.
Toutefois, face à cette tendance, et depuis plusieurs années, de nombreux efforts ont été déployés au Maroc afin d’augmenter sa production nationale. "Ces efforts, bien qu’encourageants, demeurent encore faibles pour pouvoir répondre complètement à la demande interne. Car la production est toujours dépendante de l’approvisionnement à l’international en matières premières", rajoute notre source. Elle n’hésite pas à rassurer les citoyens quant à l’approvisionnement national de cette précieuse huile, qui coûte de plus en plus cher au Maroc et qui inquiète surtout, les citoyens. "À la suite des effets de la crise sanitaire, couplée à la guerre en Ukraine, les acteurs de notre secteur ont rapidement engagé les mesures nécessaires afin de limiter l’impact sur le marché national. Ayant le devoir citoyen d’assurer et maintenir l’approvisionnement du Royaume en huiles de table, nous restons engagés à travers plusieurs actions en termes d’approvisionnement. Notre objectif est de sécuriser notre approvisionnement en matières premières à travers différentes alternatives disponibles sur le marché mondial", explique notre source.
Une hausse qui risque de se poursuivre
Si la production locale est jugée coûteuse, c’est que les oléagineux ont connu des prix record. Le Maroc, qui dépend totalement des importations pour satisfaire ses besoins, a intérêt à donner une nouvelle impulsion à la filière pour assurer sa sécurité alimentaire. Force est de reconnaître que l’activité avait une présence remarquée par le passé. À l’époque, les huiles de table étaient subventionnées. Mais actuellement, les exploitations qui s’intéressent aux oléagineux ne sont pas assez nombreuses pour assurer l’approvisionnement adéquat de l’aval agricole. "Ce qui est certain, dans l’avenir, le marché devrait suivre les fluctuations que ce soit à la baisse ou à la hausse des cours mondiaux et les répercussions sur le prix de vente au public seront donc visibles. Ceci dit, les opérateurs du marché fourniront toujours des efforts afin de préserver au maximum le pouvoir d’achat du consommateur marocain", conclut notre source.
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