Politique
Projet de loi sur la grève: des experts formulent leurs observations
23/01/2025 - 12:03
Youness Oubaali | Mohammed Fizazi
Lors d'une réunion à la Chambre des Conseillers, des observations ont été formulées pour améliorer le texte du projet de loi sur la grève et combler ses lacunes. Le gouvernement entamera bientôt une deuxième phase de consultations avec les syndicats, espérant aboutir à un consensus sur un texte équilibré et conforme aux normes internationales.
Avant d'entamer une discussion détaillée, la Commission de l'enseignement, des affaires culturelles et sociales de la Chambre des conseillers a décidé d'écouter les avis d'experts concernant le projet de loi sur le droit de grève. Ces experts ont présenté leurs observations et recommandations, espérant que le gouvernement en tiendra compte pour élaborer une version consensuelle. Parallèlement, le gouvernement entamera une deuxième série de consultations avec les syndicats à partir de vendredi prochain.
Miyara : Nous comptons sur le Conseil
La Commission a organisé une rencontre d’étude le mercredi 22 janvier 2025, débutant par une allocution du président de la Chambre des conseillers, Mohamed Ould Errachid, lue en son nom par le président de la Commission, Abderrahman Drissi . Ce dernier a souligné que la composition de la Chambre des conseillers en fait un acteur clé pour jouer un rôle efficace dans les étapes restantes du processus législatif et combler ses lacunes.
Il a également insisté sur la nécessité pour le gouvernement de prendre en compte la nature sociale et professionnelle de la composition de la Chambre, affirmant que cette dernière devrait avoir une empreinte claire sur le contenu du projet de loi grâce à un dialogue constructif avec le gouvernement sur les propositions d’amendements.
Miyara a ajouté que l’objectif est d’avoir une loi organique équilibrée, durable et garantissant des protections juridiques réelles pour toutes les parties concernées, tout en comblant les éventuelles lacunes juridiques qui pourraient entraver son application.
De nombreuses observations
L'ancien bâtonnier de Khouribga, Allal Basraoui, a souligné l’importance d’un projet de loi fondé uniquement sur les conventions et lois internationales. Selon lui, le préambule du projet est crucial, car il établit les bases et les références du cadre législatif, même s’il ne confère ni ne retire de privilèges.
Dans son intervention, il a rappelé que le Maroc n’a pas réglementé le droit de grève depuis 1962. Si une réglementation est mise en place, elle ne doit pas imposer trop de restrictions, car cela reviendrait à limiter ce droit sous couvert de la loi. Cependant, ce droit ne doit pas être abusé par les travailleurs.
Basraoui a estimé que la définition de la grève devrait rester ouverte, car les définitions relèvent de la doctrine et de la jurisprudence, et non du législateur. Il a suggéré que la grève soit définie comme tout arrêt de travail visant à défendre des intérêts matériels ou moraux.
Il a également souligné des difficultés dans les dispositions du projet, notamment concernant les délais, les notifications et les entités appelant à la grève. Il a critiqué les délais jugés trop longs, précisant que la loi marocaine mentionne un "délai raisonnable", qui est de 15 jours selon la jurisprudence.
Il a jugé illogique de notifier plusieurs entités avant de déclencher une grève, arguant que le gouverneur de la province, représentant le gouvernement, suffirait après notification à l’employeur. En ce qui concerne le dossier revendicatif, il a noté des complications, car toute grève sans revendications claires est considérée comme illégale, entraînant des conséquences.
Enfin, il a critiqué les pouvoirs conférés au Premier ministre et aux autorités publiques pour suspendre une grève, estimant que seul le juge des référés devrait avoir ce droit.
Un texte "fragile"
Mohamed Tarik, professeur universitaire et expert en droit du travail, a recommandé de prendre le temps nécessaire pour examiner le projet, estimant que son envoi rapide à la Chambre des conseillers semble motivé par des échéances électorales ou politiques. Selon lui, il serait possible de reconstruire le texte sur une meilleure base.
Il a pointé des faiblesses dans la précision linguistique, le style et la structure du texte, estimant que la Chambre des représentants n’a pas réussi à élaborer un texte législatif solide.
Tarek a noté que certaines dispositions du projet limitent le droit de grève, comme l’article 3, qui interdit les grèves concernant l’application du droit du travail, telles que les revendications liées au salaire minimum ou à l’inscription des travailleurs à la sécurité sociale. Il a souligné que cela pose problème, car ces revendications sont fréquentes dans le secteur privé.
Il a également critiqué le projet pour priver de nombreux groupes de leur droit de grève, se demandant quelles alternatives ils auraient pour protester. En revanche, il a relevé que le texte autorise des grèves généralisées dans certains secteurs sans tenir compte de leurs spécificités, comme celui de l’Intérieur.
Enfin, il a critiqué la restriction du droit de grève aux secteurs disposant de syndicats formés, soulignant que les syndicats peuvent être créés avec seulement cinq travailleurs. Il a conclu en dénonçant l’élargissement excessif de la liste des services essentiels, rendant difficile la mise en œuvre d’une grève dans ces secteurs.

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