Société
Universités: les enseignants chercheurs produisent 0,37 publication par an
13/04/2022 - 12:00
Lina IbrizDans le cadre de son étude d’évaluation sur «La recherche scientifique et technologique au Maroc: analyse évaluative», l’Instance nationale d’évaluation auprès du Conseil supérieur de l’Education, de la formation et de la recherche scientifique (INE-CSEFRS) a posé la question: comment est répartie la production scientifique entre les universités, selon leurs effectifs des enseignants-chercheurs ? L’étude menée n’a pas uniquement permis de répondre à cette question, mais a mis le point sur les déséquilibres freinant le développement de la recherche scientifique au sein des universités.
L’analyse effectuée par l’INE souligne clairement la productivité "quasi-faible" de la communauté académique universitaire, avec une moyenne nationale universitaire annuelle se situant à seulement 0,37 publication par enseignant-chercheur.
"Au meilleur des cas, la production scientifique indexée est d’un peu plus d’un article toutes les deux années par enseignant-chercheur (0,54 par an). La moyenne nationale universitaire se situe à seulement 0,37 publication par enseignant-chercheur par année. Elle baisse même à 0,22 publication par enseignant-chercheur par année", détaille l’INE dans son rapport.
Un désintérêt à l’égard de la recherche
La faible productivité scientifique des universités marocaines pourrait s’expliquer par un désengagement et désintérêt envers l’activité de recherche, donnant lieu à un "faible dynamisme" de celle-ci.
"Il existe au sein de l’université marocaine une nette dissymétrie entre une minorité d’enseignants-chercheurs très productive et une majorité qui produit occasionnellement voire pas du tout", note le rapport.
Parmi les facteurs relevés par l’étude de l’INE et qui expliquent ce désintérêt, est le fait que "l’activité de recherche (production) importe peu dans la promotion de carrière face à certains autres professeurs n’ayant pas une véritable production scientifique". Ainsi, la majorité des enseignants se contente de l’enseignement, note la même source.
Le paradoxe de l’avancement dans l’âge et grade
La communauté académique universitaire se caractérise au Maroc par son "vieillissement relatif". En effet, 60% de cette population est âgée de plus de 50 ans, alors que 28% des professeurs sont âgés entre 40 ans et 49 ans.
A cela s’ajoute "une inversion de la pyramide des grades", se manifestant par la prédominance du grade élevé de Professeur de l’enseignement supérieur (PES) (48%). Ce qui entraîne une "baisse relative" de la production pour ce grade, indique le rapport de l’INE.
En effet, "53% de la population de grade PES – C n’a publié aucun article durant la période 2014-2018 et 23% de cette même population n’a publié que 5 publications ou moins durant la même période", souligne le document.
Cette réalité crée ainsi deux phénomènes paradoxaux. Alors que la majorité des enseignants-chercheurs ont un grade supérieur et une expérience à la fois pédagogique et académique, leur productivité scientifique reste très limitée, et l’encadrement des doctorants s’affaiblit.
Une qualité des doctorants en dégradation
"La qualité des candidats pour le doctorat diminue de plus en plus et compromet l’encadrement de recherche par l’enseignant-chercheur", alors que "le ratio du nombre de thèses de doctorat soutenues par rapport au nombre de doctorants est assez faible (5,7% en 2017)", note l’INE dans son rapport. Ce phénomène s’expliquerait par de multiples facteurs.
Si un mot est récurrent dans les rapports des différentes instances chargées de l’évaluation de l’enseignement supérieur, c’est «la massification». Dans le rapport de l’INE, le terme réapparaît. L’Instance écrit ainsi clairement : "la massification dans l’université, et plus particulièrement dans les établissements à accès ouvert, émaille l’engagement des enseignants-chercheurs dans les activités de recherche".
Sachant qu’en 2018, le taux d’encadrement pédagogique à l’université est de presque 59 étudiants par enseignant permanent, la dégradation de la qualité des productions scientifiques semble un résultat inévitable.
Par ailleurs, l’encadrement des doctorants et la préparation de la relève s’affaiblissent au Maroc, selon l’étude de l’INE qui souligne que "la majorité des enseignants se contente de l’enseignement ce qui influence par ricochet l’encadrement et l’efficacité du cycle doctoral".
Le désintérêt des doctorants est un autre fléau qui affecte la qualité des recherches doctorales. A cet égard, les doctorants "sont souvent moins engagés en recherche, aspirant à obtenir le diplôme à des fins de promotion professionnelle", indique l’INE.
Enfin, l’INE soulève les difficultés à constituer des équipes et/ou des laboratoires quand les effectifs dans la discipline sont réduits, particulièrement dans les nouveaux établissements constitue un autre facteur ainsi que l’inadéquation des incitatifs financiers à la nature des activités de recherche.
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