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Han Kang, la tragédie sous la poésie
10/10/2024 - 14:29
AFPHan Kang, romancière sud-coréenne lauréate du prix Nobel de littérature, a su conquérir le public par son don pour des fictions délicates, sur des sujets souvent tragiques. Elle avait été déjà la première autrice de son pays à remporter le Booker Prize, une récompense britannique extrêmement prestigieuse, à 45 ans en 2016, pour "La Végétarienne".
Alors que l'absence de nom coréen au palmarès du Nobel était de plus en plus remarquée, elle y inscrit le sien à 53 ans. Ceux qui l'ont approchée soulignent combien sa personnalité cadre avec son style d'écriture, qui a les qualités qu'on attribue souvent à la littérature d'Extrême-Orient : la force des images avec des formes sobres.
"C'est une femme extrêmement discrète, d'une très grande élégance. Elle a la prose qui correspond à son raffinement, sa précision dans la littérature", dit ainsi à l'AFP la présidente du prix Médicis, Anne Garréta.
Ce prix littéraire français lui a été attribué en 2023 pour "Impossibles adieux" (éditions Grasset). Et elle était venue le chercher à Paris.
Han Kang, née à Gwangju, dans le sud du pays, est arrivée à neuf ans à Séoul. Son père, Han Sung-won, était lui-même écrivain, et son frère Han Dong-rim écrit également. Tous deux ont été encouragés à développer leur goût pour les arts et la musique, outre les lettres.
Elle choisit d'étudier la littérature, et commence par signer des poèmes, publiés à partir de 1993, qui lui valent un prix du quotidien Séoul Shinmun en 1994, et des nouvelles réunies dans un premier recueil de fiction paru en 1995, non traduit en français.
Son roman "La Tache mongolique" a remporté en 2005 le prix Yi Sang, l'une des plus importantes récompenses littéraires de Corée du Sud.
Il est réuni avec deux autres parties pour former un triptyque, "La Végétarienne", en 2007, un titre qui deviendra un succès international avec de nombreuses traductions.
En français, les éditions Le Serpent à plumes le publient en 2015. "L'univers de Han Kang est fortement marqué par le bouddhisme, dans une veine épurée, nomade, contemplative, proche d'un certain chamanisme", écrit cet éditeur.
Autre succès, "Impossibles adieux" (2021) lui vaut d'être commentée partout dans le monde. Il lui est inspiré par sa décision, en 1996, de tout plaquer pour passer quatre mois seule sur une île volcanique, Jeju, réputée pour ses paysages à couper le souffle.
Ce qu'elle y découvre, c'est une histoire qu'on raconte rarement : la très violente répression d'un soulèvement communiste en 1948.
"J'étais logée chez une vieille dame. Un jour, je l'ai aidée à porter un paquet lourd à la poste. Je marchais à côté d'elle quand nous nous sommes retrouvées devant un mur, dans une allée. Elle s'est immobilisée et m'a dit : c'est ici que des gens ont été fusillés", raconte-t-elle au Monde.
Le roman est un condensé de beauté éclatante et mélancolique avec des traces de violences passées. "C'est une phase de l'histoire coréenne occultée, qui revient hanter la mémoire du pays", poursuit Anne Garréta.
"J'ai lu ce livre il y a plus d'un an et demi, et il en reste quelque chose, une atmosphère qui habite le lecteur pendant très longtemps. Et, ce qui est très difficile, cette atmosphère passe même dans le texte traduit, alors que souvent cela tient à presque rien".
Han Kang a figuré sur une "liste noire" de près de 10.000 artistes critiques envers la présidente coréenne Park Geun-Hye, depuis destituée, aux côtés de Park Chan-Wook, le réalisateur de "Old Boy".
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