Economie
Ramadan: les cafés souffrent du changement des habitudes des Marocains
21/04/2022 - 17:00
Aïcha DebouzaLes rues et cafés de la capitale ne sont plus pareils pendant le mois sacré. Auparavant bondés de gens sortis prendre l’air après la prière des "Tarawih", ces derniers semblent changer leurs habitudes et préférer le calme aux soirées ramadanesques un peu plus bruyantes. Minuit passé, il n’y a presque plus un chat. "Après la pandémie, les choses ne sont plus les mêmes. Nous recevons à peu près le quart seulement du nombre de clients que nous avions l’habitude d’accueillir pendant les mois de Ramadan ayant précédé la crise sanitaire", se plaint un patron d’un café situé à l’Avenue de France du quartier de l’Agdal, en plein cœur de Rabat. Ce dernier, qui avait pour habitude de rester ouvert très tard la nuit ferme aujourd’hui ses portes à 23h00.
Deux salles, même ambiance
"L’ambiance pendant et après le ftour est complètement différente des années passées. Avant, je me pressais à venir très tôt pour réussir à trouver une place, car une fois la prière des "Tarawih" terminée, il est presque impossible d’arriver à trouver une quelconque table inoccupée pas uniquement dans ce café, mais dans presque tout l’Agdal", raconte Hamza. Cet habitué du coin explique constater un changement flagrant dont il ignore la cause. Car si avant il n’hésitait pas à entamer les bras de fer pour réussir à trouver des chaises en plus et jouer aux cartes avec ses amis, aujourd’hui il fait "partie des quelques personnes, comptées sur les doigts de la main qui n’ont pas changé leurs habitudes", fait-il remarquer.
Après deux saisons de fermeture à cause du couvre-feu nocturne imposé par la covid-19, les cafés dans toutes les villes du Maroc ont pu, ce Ramadan, ouvrir leurs portes et accueillir les clients pendant la rupture du jeûne et bien au-delà. Buffets et menus variés, jeux de cartes, spectacles, Karaoké, face à un démarrage timide, ces derniers ne manquent pas d’idées pour attirer les clients. Mais ces efforts semblent être vains. "Cette levée des mesures restrictives a été comme une bouffée d’air pour les patrons des cafés, mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Nous croyions que les gens étaient en manque de cette ambiance ramadanesque après le ftour, sortir la nuit, boire un café, comme avant la pandémie, mais nous avons constaté l’inverse", raconte le patron du café.
À environ 80 km au sud de Rabat, la capitale économique du Royaume opte pour la même ambiance. Casablanca, autrefois connue pour sa constante activité ainsi que ses longues soirées ramadanesques au vu du grand nombre de cafés et restaurants qui s’y trouvent, semble se reconvertir. "Les Bidaouis deviennent de plus en plus casaniers. Je pense que le confinement a eu un impact considérable sur leurs habitudes. Ils préfèrent désormais rester chez eux", fait savoir Noureddine Harrak, président de l’Association nationale des patrons de cafés et de restaurants du Maroc (ANPCRM). Le professionnel souligne que Rabat ou encore Casablanca ne sont pas les seules villes à "souffrir" de ce changement des habitudes des citoyens. "Les confrères dans les quatre coins du Royaume nous appellent pour nous faire part du même constat", ajoute-t-il.
Un secteur qui souffre
Selon Noureddine Harrak, ceci est dû à de multiples raisons. Il explique que les répercussions de la crise sanitaire commencent à peine à se faire ressentir chez les professionnels du secteur. "C’est connu : pendant le mois de Ramadan, les recettes baissent par rapport au reste de l’année, car les gens consomment moins et seulement durant une petite partie de la journée. Je pense que la flambée des prix a aussi affecté le pouvoir d’achat des citoyens qui ne peuvent plus se permettre de prendre un café. Et que les restrictions sanitaires ont changé les habitudes des Marocains qui s’y sont tellement bien adaptés qu’ils préfèrent désormais rentrer tôt chez eux", relate le président de l’ANPCRM.
Mais d’après le professionnel, les consommateurs ne sont pas les seuls à choisir de rentrer chez eux plus tôt qu’avant. "À défaut de clients nombreux, la majorité des patrons de café ferment plutôt leurs enseignes. Avec 400 dirhams seulement de recette par jour comparé à des revenus trois fois plus élevés durant les précédents Ramadans, la majorité des cafés ont perdu entre 60 et 70% de leurs revenus pendant ce mois sacré. Sans clients, ils préfèrent fermer tôt et économiser leurs charges", détaille Noureddine Harrak.
Ainsi, la crise financière qui plane sur le pouvoir d’achat depuis la propagation du virus et qui s’est accentuée récemment avec la flambée de prix n’arrange pas les affaires des restaurateurs. L’indice des prix à la consommation des produits alimentaires a enregistré une hausse de 5,5 % en février et l’inflation devrait atteindre 4,7 % cette année. Et les Marocains ont vu leurs dépenses alimentaires s’envoler surtout avec des prix tirés vers le haut. Un très grand nombre de personnes se sont contentées de l’essentiel et d’adapter le contenu de leurs cocottes vu la hausse qu’ont connue les prix de toutes ces nourritures due à la flambée de prix de matières premières.
Cette crise s’est transmise aux cafés et restaurants qui n’ont pas pu empêcher leurs clients d’aller chercher ailleurs, optant pour le peu coûteux ou de simplement préférer rester chez soi. "Le secteur a été fortement touché par la pandémie et souffre encore plus de ses répercussions. Nous battons de l’aile et avons vraiment beaucoup de mal à sortir la tête de l’eau. Nous espérons trouver une solution dans le plus bref des délais, car sans intervention de la tutelle, nous avons beaucoup de mal à voir l’avenir du métier", conclut le président de l’ANPCRM.
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