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Rude bataille l'OMC pour limiter les brevets des vaccins anti-Covid
14/06/2022 - 07:00
AFPUn accord sur la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid semblait encore incertain lundi, après plusieurs heures de discussions à la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce. Deux textes sont en discussion à l'OMC.
L'un doit faciliter la circulation des ingrédients nécessaires à la lutte contre les pandémies, l'autre doit permettre une levée temporaire des brevets des vaccins anti-Covid. "Les membres commencent vraiment à se rapprocher d'un accord" sur le premier texte, tandis que le second "est plus problématique", a déclaré un porte-parole de l'OMC, Dan Pruzin, en soirée. La directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala a fait de la réponse à la pandémie une priorité depuis son arrivée à la tête de l'OMC en mars 2021.
Les ONG sont venues rappeler aux diplomates l'importance du sujet en protestant au sein même de l'organisation, brandissant une banderole où l'on pouvait lire: "Mettez fin à l'apartheid vaccinal!" La levée temporaire des brevets divise, l'industrie pharmaceutique y voyant un affaiblissement de la propriété intellectuelle, alors que pour les ONG le texte ne va pas assez loin. MSF déplore qu'il soit limité dans le temps et ne traite pas d'autres obstacles à la propriété intellectuelle, tels que les secrets industriels. La Suisse et le Royaume-Uni, où l'industrie pharmaceutique pèse lourd économiquement, se sont montrés jusqu'à présent réticents à la levée des droits de propriété intellectuelle.
"Prétendre qu'une dérogation de propriété intellectuelle de large portée résoudrait le problème ne correspond pas à la réalité. La propriété intellectuelle ne fait pas partie du problème mais de la solution", a encore affirmé l'ambassadeur suisse Markus Schlagenhof, délégué aux accords commerciaux, à des journalistes. La ministre britannique du Commerce international Anne-Marie Trevelyan a elle souligné sur Twitter que le défi était de "parvenir à une solution satisfaisante pour les entreprises et les gouvernements".
L'OMC fonctionnant par consensus, il faut que les 164 pays membres s'entendent pour conclure. Pruzin a souligné que les délégations n'étaient pas encore entrées dans le vif des négociations. Plus de deux ans après l'apparition du Covid-19, le constat est amer. Le taux de vaccination reste insuffisant dans les pays pauvres, notamment en Afrique. Si les vaccins sont désormais produits en suffisance, ils ont au plus fort de la pandémie fait cruellement défaut dans les pays défavorisés, tandis que les populations de pays développés recevaient déjà leur dose de rappel. Dans son discours, le ministre indien du Commerce Piyush Goyal, dont le pays a lancé aux côtés de l'Afrique du Sud l'idée de lever les droits de propriété intellectuelle pour l'ensemble des dispositifs médicaux anti-Covid, a déploré que l'OMC n'ait pas "su réagir rapidement."
"Les pays riches doivent faire leur introspection!", a-t-il lancé. Mais l'Inde a suspendu ses exportations de vaccins pendant de nombreux mois pour répondre aux besoins de sa population, alors qu'elle était le principal fournisseur pour le système de partage international Covax. Pour la directrice exécutive de l'Onusida Winnie Byanyima, "pendant une pandémie, partager les technologies est une question de vie ou de mort et nous avons choisi la mort". Le projet d'accord concernant la propriété intellectuelle prévoit que les "pays en développement admissibles" pourront produire des vaccins "sans le consentement du détenteur du droit au moyen de tout instrument disponible dans la législation" ce pays.
Mais les négociateurs ont laissé plusieurs crochets signalant des passages non résolus. Ainsi, le projet d'accord propose que les pays en développement ayant la capacité d'exporter des vaccins soient "encouragés" à ne pas faire usage de la levée des brevets. Il est également envisagé que les pays en développement dont la part dans les exportations mondiales de doses de vaccins contre le Covid en 2021 a été supérieure à 10% ne puissent pas recourir à la levée des brevets, excluant de facto la Chine. Pékin a promis de ne pas utiliser les facilités permises aux pays en développement par ce projet d'accord, mais selon plusieurs diplomates les Etats-Unis souhaiteraient que cet engagement soit écrit. Le texte prévoit la possibilité d'étendre l'accord aux tests et aux traitements six mois après son adoption, mais il n'y a pas encore de consensus.
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