Société
Urbanisation au Maroc: enjeux et pistes d'amélioration selon l'OCDE
12/09/2024 - 21:04
Mohammed FizaziL'urbanisation au Maroc progresse à un rythme soutenu, avec 65,2 % de la population vivant en zone urbaine en 2024, et une projection de près de 70% d’ici 2030. Cette dynamique offre d'importantes opportunités économiques, mais engendre également des défis majeurs en matière de planification urbaine, de mobilité, de réduction des inégalités et de durabilité environnementale.
Le rapport de l'OCDE sur la politique urbaine nationale au Maroc présente une analyse exhaustive des problèmes actuels et propose des recommandations pour assurer un développement urbain plus efficace, inclusif et durable.
Le cadre de planification urbaine au Maroc est structuré autour de plusieurs documents clés, notamment le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU), le Plan d’Aménagement (PA) et le Plan de Zonage (PZ). Ces outils, bien que fondamentaux pour la gestion des villes, sont jugés trop rigides, peu flexibles et inadaptés aux nouveaux enjeux, tels que le changement climatique ou la croissance démographique.
Le rapport souligne que ces documents sont souvent élaborés de manière indépendante, sans coordination suffisante entre les différents niveaux de gouvernance (national, régional, local). En conséquence, les villes marocaines souffrent de multiplicité d’acteurs et de la complexité des procédures administratives. Par exemple, l’élaboration d’un document d’urbanisme peut impliquer jusqu’à 33 intervenants et nécessiter 133 signatures, ce qui ralentit considérablement la mise en œuvre des projets urbains.
De plus, les documents d’urbanisme au Maroc manquent souvent de souplesse pour s’adapter aux défis contemporains. Les choix d’aménagement ne prennent pas suffisamment en compte des problématiques comme le stress hydrique ou les risques climatiques, indique le rapport, ajoutant que les politiques actuelles ne favorisent pas une urbanisation anticipative capable de répondre rapidement aux nouveaux besoins.
Le rapport propose de créer une meilleure synergie entre les documents d’urbanisme, avec un cadre de planification cohérent à tous les niveaux, du national au local. l'OCDE propose également d’adopter une approche plus flexible et anticipative, intégrant les défis du changement climatique, avec une utilisation accrue des données fiables pour des politiques plus réactives.
Le phénomène d'étalement urbain est un problème majeur dans les grandes villes marocaines, telles que Marrakech et Casablanca, où l’expansion périphérique s’est accentuée au détriment de la densification des centres-villes. Cet étalement est souvent favorisé par des politiques publiques qui permettent des projets immobiliers en périphérie, notamment à travers des dérogations. Entre 1999 et 2013, plus de 1 700 dérogations ont été accordées à Marrakech pour une superficie totale de 17 705 hectares, précise le rapport, majoritairement pour des complexes touristiques et résidentiels en périphérie.
Cet étalement urbain a des conséquences négatives significatives : il entraîne une consommation excessive du sol, une augmentation des besoins en infrastructures (transports, réseaux d’assainissement, énergie), ainsi qu’une dépendance accrue à la voiture individuelle, aggravant les problèmes de congestion et de pollution dans les grandes villes.
La ville de Marrakech, par exemple, a vu sa superficie bâtie doubler depuis la fin des années 1990, résultant en une logique d'opportunité foncière, plutôt qu'une urbanisation maîtrisée. La périphérie s’est étendue, avec des projets déconnectés des centres-villes, aggravant la dépendance aux transports individuels motorisés, ce qui complique la gestion des infrastructures et la planification urbaine globale.
Le rapport recommande ainside privilégier la densification des zones urbaines existantes et de renforcer les initiatives de rénovation urbaine. Des projets comme Casa Anfa à Casablanca, visant à transformer l’ancien aéroport en une zone urbaine moderne et durable, sont cités comme des exemples à suivre. Il est également proposé d’utiliser les friches urbaines et les bâtiments sous-exploités pour optimiser l’utilisation des espaces déjà urbanisés, réduisant ainsi la pression foncière sur les zones périphériques.
Mobilité urbaine: un défi persistant
La mobilité dans les grandes villes marocaines est l'un des principaux obstacles à un développement économique harmonieux. Le rapport souligne que le faible maillage des transports publics, combiné à des infrastructures routières souvent inadaptées, crée des congestions chroniques, des problèmes de sécurité pour les piétons et une pollution atmosphérique élevée.
La situation est particulièrement critique dans des villes comme Rabat et Casablanca, où la voiture individuelle reste le principal moyen de transport. Malgré des initiatives telles que le tramway de Rabat-Salé, l’offre de transport public reste insuffisante pour répondre à la demande croissante. Le rapport met également en avant le manque d’infrastructures pour la mobilité douce, comme les pistes cyclables et les trottoirs sécurisés, malgré le fait que la marche reste le mode de transport le plus utilisé dans les villes marocaines.
Le rapport propose de développer des réseaux de transports publics interconnectés, qui desservent non seulement les centres-villes, mais aussi les périphéries en pleine expansion. Des investissements dans les infrastructures piétonnes et cyclables sont nécessaires pour améliorer la sécurité des usagers et encourager les modes de transport écologiques. Cela permettrait aussi de réduire la congestion et la pollution dans les centres urbains.
Réduction des inégalités urbaines et inclusion sociale
Les villes marocaines concentrent l’essentiel de l’activité économique du pays, mais elles sont également marquées par de profondes inégalités sociales. Casablanca, par exemple, génère une part importante de la richesse nationale, mais les quartiers défavorisés restent fortement marginalisés, avec un accès limité aux services publics et aux infrastructures de base.
Le rapport pointe également les disparités territoriales entre les grandes villes et les zones rurales ou semi-urbaines. De nombreuses petites villes et zones rurales restent à l’écart du développement économique, accentuant les inégalités d’accès à l'emploi, à l'éducation et aux infrastructures de base.
L’inclusion des jeunes et des groupes vulnérables est une priorité soulignée par le rapport. Les jeunes doivent être intégrés dans les processus décisionnels locaux, insiste l’OCDE, qui recommande de territorialiser les politiques publiques, c’est-à-dire d’adapter les interventions publiques aux spécificités locales, en mettant l'accent sur l'intégration de ces populations marginalisées.
Le rapport recommande d’améliorer l’accès aux espaces publics, comme les parcs, jardins et places, et de garantir des services publics de qualité pour tous, notamment dans les zones urbaines défavorisées. l'OCDE souligne qu'il est important d'impliquer les jeunes dans la gouvernance locale et de promouvoir une culture de l'engagement citoyen, notamment à travers le Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative.
Transition écologique et résilience urbaine
Face aux défis environnementaux, le rapport insiste sur l’urgence d’adopter une approche territoriale pour renforcer la résilience des villes marocaines. Cela inclut la gestion des ressources en eau, la réduction des émissions de carbone et la promotion de l’efficacité énergétique, particulièrement dans les secteurs de la construction et des transports.
Des initiatives telles que l’adoption de villes intelligentes et l’utilisation de jumeaux numériques sont mentionnées comme des solutions prometteuses pour une gestion urbaine plus efficace et durable. Ces technologies permettent de mieux planifier les projets urbains, en simulant différents scénarios avant leur mise en œuvre.
A ce propos, le rapport recommande de renforcer les infrastructures énergétiques durables, de développer des stratégies de gestion circulaire des déchets et d’intégrer l’adaptation au changement climatique dans les politiques urbaines. Le recours à des outils technologiques tels que les jumeaux numériques pourrait aider les villes à devenir plus efficaces dans la gestion de leurs ressources et à anticiper les besoins futurs.
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